L'équipe à l'origine des récents Trois mousquetaires revient avec une adaptation du Comte de Monte-Cristo (bien que le duo de scénaristes soit maintenant à la réalisation), avec pour ambition de corriger les défauts inhérents à sa première incursion dans le patrimoine littéraire de Dumas. Et elle y parvient dans les grandes largeurs.


Les méchants tics de mise en scène - au premier chef un usage systématique et laborieux du plan-séquence - laissent place à une approche toute classique qui semble vouloir retrouver l'ampleur et la majestuosité des films d'époque et d'aventure d'antan. Point d'affèteries dans le travail de caméra opéré ici, chaque échelle de plan étant ramenée à sa stricte fonction originelle pour une indéniable efficacité. La photographie jaune pisse laisse quand à elle place à une picturalité lumineuse et chatoyante, sublimant chaque décor.


Le film se distingue également de son aîné dans la tenue d'ensemble de sa narration. Là où les Mousquetaires souffraient d'un rythme chaotique qui allongeait ou réduisait la durée de ses séquences de manière arbitraire et semblait passer du coq à l'âne sans justification interne, Monte-Cristo bénéficie d'un tempo constamment lancinant qui permet de conférer une puissante incarnation à chaque scénographie ou ambiance visitée. Il s'avère fluide en toutes circonstances et ne donne jamais la sensation de rusher son récit malgré le nécessaire travail d'élagage.


C'est enfin dans la profondeur tragique de presque tous les personnages que se situe la réussite de cette nouvelle entrée dans l'univers de Dumas. En regard du fade D'Artagnan de François Civil et de ses comparses, faisant souvent davantage office de seconds couteaux comiques qu'autre chose, Pierre Niney donne admirablement corps aux contradictions et à l'ambivalence du personnage éponyme, se montrant aussi convaincant en benêt romantique des débuts qu'en impitoyable vengeur masqué torturé. Le reste du casting n'est pas en reste et chacun semble avoir abordé son rôle avec le respect et le sérieux qui lui est dû.


Plutôt que de "moderniser" artificiellement ces monuments de la littérature par des procédés poussifs comme l'a tenté Bourboulon, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte ont peut-être trouvé l'angle d'attaque idéal pour en retranscrire le plus fidèlement la sève. A savoir les illustrer de la manière la plus directe et attrayante possible via un éblouissant classicisme à l'ancienne, certes pompeux sous certains aspects mais donnant pour la première fois la véritable sensation d'approcher un minimum les qualités aussi bien esthétiques que thématiques des romans d'origine. Les préférences personnelles mises à part, l'on aurait en tout cas tort de ne pas en saluer l'effort.

RobinTholet
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le 3 juil. 2024

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Robin Tholet

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