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Fresque épique et grandiose comme on n’en a rarement (jamais?) vu dans le cinéma français, le Comte de Monte-Cristo est une réussite à la hauteur de l’ambition qu’il charrie.

Formellement, la production impressionne par la qualité de la reconstitution de la France post-Napoléonniene. On est d’emblée soufflés par la beauté et l’ampleur des ses décors, que ce soit les paysages majestueux du sud de la France, les ruelles des villes (Marseille, Paris) ou les intérieurs clinquants des grandes demeures bourgeoises du début du XIXème siècle.

C’est superbe et appuyé par une mise en scène certes un peu tape-à-l’œil avec ses longs travelings, mais diablement efficace. Elle est soutenue par une musique originale opératique et entêtante, dont la partition orchestrale accompagne parfaitement l’action et entretient le mystère.

Le film fait preuve de tout autant de rigueur et de minutie dans la confection des costumes, magnifiques, et la réalisation discrète mais impeccable des maquillages, point essentiel quand on adapte à l’écran le Comte de Monte-Cristo. Outre les différents déguisements dont s’affuble Edmond, les réalisateurs gèrent parfaitement le temps qui passe, matérialisant sur les visages de manière très réaliste les 20 ans qui s’écoulent entre le début et la fin du film.

Mais ce qui rend le Comte de Monte Cristo si spécial, c’est son matériel original, le roman d’Alexandre Dumas, œuvre majeure de la littérature française et roman fleuve sur la vengeance, indémodable et difficilement égalable. Son adaptation pour le cinéma est donc une entreprise forcément périlleuse. Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière évitent habilement tous les pièges. Visuellement, leur film n’a rien à envier aux blockbusters américains, mais c’est dans l’exécution de sa narration et le rythme qu’ils impriment que leur version du Comte de Monte-Cristo frappe fort et juste. La concision du scénario pour capturer l’essentiel du roman est exceptionnelle et l’intrigue qui en découle nous tient en haleine pendant trois heures qui filent sans crier gare (vraiment, on ne les voit pas passer). De la mise en place au dénouement final, il ne souffre d’aucun temps mort. Les machinations, ruses et révélations s’enchainent avec une fluidité imparable, entrainant le spectateur dans un tourbillon étourdissant et ne lui laissant aucune minute de répit.

Ample et habité d’un souffle romanesque qui ne retombe jamais, Le Comte de Monte-Cristo ne néglige pas pour autant ses personnages. Au contraire, ils sont la base et le liant de cette histoire foisonnante, incarnant la petitesse humaine autant que sa grandeur, la trahison et la vengeance autant que le pardon. C’est le dernier point qui achève de faire du film une réussite, l’interprétation. Comment ne pas applaudir la performance magistrale de Pierre Niney, que d’aucun aurait trouvé un peu frêle pour endosser le(s) costume(s) d’Edmond Dantes? Il porte sur ses multiples visages toute la tragédie du destin de Dantes avec charisme et gravité. Mais tous les acteurs qui l’entourent sont au diapason, Lafitte, Bouillon et Mille en salaud qu’on adore détester, les révélations Anamaria Vartolomei, Vassili Schneider (oui un autre) et Julien de Saint-Jean, et la grande Anaïs Demoustier, qui cristallise les enjeux dramatiques.

Ils peuvent se reposer sur des dialogues modernes sans être anachroniques. C’était, avec sa réalisation un peu franchouillarde, la limite des Trois Mousquetaires, qu’on est forcément tenté de comparer ici dans la mesure où ces deux projets émanent des mêmes équipes. Le Comte a l’ampleur et le ton juste qui manquait parfois aux Mousquetaires et gomme leurs défauts. Il parvient à faire honneur au texte du Dumas en s’en détachant suffisamment pour le rendre absolument pertinent en 2024.

Il en résulte un divertissement total, une réussite assez unique en son genre, un film de vengeance dense, long et charnu mais qu’on dévore avec gourmandise et dont la légèreté surprend autant qu’elle épate.

Alors que la question de la légitimité de la salle de cinéma face aux streamers fait toujours débat, le fait que ce projet ait abouti à un film de trois heures plutôt qu’en une série de 8 épisodes sur Netflix est aussi rassurant qu’excitant. L’ambition paie, quand elle est motivée par la passion. C’est ce qu’on ressent en découvrant le Comte de Monte Cristo dans une salle de cinéma comble. Et c’est absolument mérité.

Thibault_du_Verne
8

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Créée

le 7 juil. 2024

Critique lue 22 fois

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