Une vengeance au goût du sel des larmes

On ne va pas bouder notre plaisir quand le cinéma français produit une œuvre aussi enthousiasmante que cette nouvelle version du Comte de Monte-Cristo. Après la déception du diptyque des 3 mousquetaires — un très bon matériau d'origine mal exploité et mal réalisé — j'étais dubitative, mais le changement d'une grande partie de l'équipe technique s'avère payant.

Je n'ai pas lu le livre — je ne peux donc juger si c'est une bonne adaptation. En considérant uniquement le film en tant que tel, celui-ci est bien construit en termes de scénario, bien rythmé, avec des enjeux clairs et des actes équilibrés. La réalisation est relativement classique mais cela fonctionne avec l'intrigue.

Le film est à son mieux dans les scènes les plus sombres et il est particulièrement réjouissant dans la découverte des intérieurs du palace oriental de Monte-Cristo ou du dîner glaçant d’Auteuil. Les personnages ont chacun leur place et leur espace à l'écran, et le récit a vraiment le temps de se déployer de manière cohérente et riche. J'apprécie que le film ait pris un temps suffisant sur la partie trahison et emprisonnement, ce qui permet de vraiment transmettre au mieux l'état mental d’Edmond Dantès et la source profonde de sa vengeance. Si Niney gagne en épaisseur grâce à son faux nez, les interprétations d'Anaïs Demoustier, Laurent Lafitte sont remarquables. Par ailleurs, je suis assez sensible à la musique des films et à l’effet qu’elle peut provoquer et Jérôme Rebotier propose un thème musical qui emporte, entre épique, douceur, mélancolie et enthousiasme.

En revanche le film se perd un peu quand il essaie de trop impressionner. Il semble évident que de nombreux passages ont été adaptés au bénéfice de la modernité ou du grand spectacle. Ainsi la torche qui tombe sur le trésor, les grandes vues extérieures du palace ou encore le duel final filmé caméra à l'épaule ne sont pas du meilleur effet, tant visuel que narratif. Les scènes très émotives, surtout entre Edmond et Mercedes ou Haydée et Albert, font parfois preuve d'un excès de miel. La seconde romance est de plus difficile à concevoir au vu de l'historie respectives de deux tourtereaux. J'ai qui comprendre que dans l'œuvre originale Edmond s'avère plus cruelle et qu'ainsi il sort plus adouci et plus noble entre guillemets dans cette version cinématographique. Il est vrai que même sans pouvoir comparer la dernière scène paraît un peu trop facile.

Les trahisons de l'œuvre de Dumas sont sûrement là, mais on obtient de mon avis un film qui se tient très bien. Ce Monte-Cristo est peut-être le blockbuster français de l’année, certes imparfait, mais cela fait plaisir de voir de nouveau ce niveau d’histoire et de mise en scène à l’écran.