Partagé entre ses multiples transpositions sur petits et grands écrans, il est difficile de savoir précisément combien de versions du Comte de Monte-Cristo ont été réalisées mais il est indéniable que le roman d'Alexandre Dumas fût un sujet très populaire dans le paysage de la production cinématographique et télévisuelle "principalement" américaine et européenne du 20ème siècle. Mais au-delà d'une nouvelle tentative d'adaptation, Le Comte de Monte-Cristo version 2024 s'inscrit surtout dans la continuité de la volonté de Pathé de réinvestir le film d'époque à dimension épique - après le diptyque Les Trois Mousquetaires - afin de reconquérir un public qui ne fréquenterait plus les salles de cinéma.


S'il est important de rappeler que l'idée d'investir dans des budgets conséquents afin de proposer des méga-blockbusters à la française est tout-à-fait honorable, à l'instar du film de super-héros, les productions qui en résultent sont pensées bien souvent de manière très opportunistes et confiées à des cinéastes qui n'ont pas forcément les compétences nécessaires pour exploiter tout leur potentiel. Le public ne s'y est d'ailleurs pas trompé car si le box-office du premier volet Les Trois Mousquetaires reste satisfaisant, il est tout-de-même loin du succès espéré et sachant que Le Comte de Monte-Cristo a quant à lui coûté la somme de 40 millions d'euros, ce dernier ne peut pas se permettre d'échouer ; ce qui explique le report de sa date de sortie afin de saisir l'opportunité d'une projection hors-compétition au Festival de Cannes qui n'était pas non plus sans risques au vu de l'effet destructeur que peut avoir parfois le buzz cannois. Et pourtant malgré tout ce contexte épineux, force est de constater que cette fois, Pathé a eu raison d'y croire.


Sans être un grand film, Le Comte de Monte-Cristo est exactement le divertissement solide que le public attend d'une renaissance du film de cap et d'épée. La photographie lumineuse aux couleurs chatoyantes éliminent dès ses premières séquences toute idée de pseudo-naturalisme pour à la place s'accorder au souffle romanesque du livre surtout dans ses décors naturels et de studios qui assument leur artificialité. Qu'il s'agisse des cellules du château d'If, de la crypte secrète renfermant le trésor des Templiers ou les grandes demeures des personnages, chaque lieu est investi et met en lumière une production design irréprochable. Malheureusement, au-delà de cette poudre au yeux plaisante, la question même de son adaptation et des choix dramaturgiques employés par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte sont parfois discutables. S'il est clair que le roman de Dumas est tellement dense qu'un travail d'écrémage est forcément nécessaire, leur incapacité à penser la dramaturgie des évènements qui s'abattent sur le personnage d'Edmond Dantès et l'utilisation abusive d'ellipses grossières afin de faire avancer le récit rendent la première heure absolument indigeste, ce qui est d'autant plus rageant que, par la suite, la mise en place minutieuse de sa vengeance sera sa plus grande qualité.

A partir de ce moment charnière où l'identité du comte de Monte-Cristo est revêtue, les deux cinéastes construisent leurs scènes et donnent le temps d'y développer non seulement une très bonne tension mais également la face sadique de ce dernier (aidé par un montage qui s'amuse de le voir évoluer sur cette corde raide) qui tel un poison s'amuse à s'immiscer profondément dans la vie et les troubles de ses ennemis afin de les détruire de l'intérieur.

Quelques libertés par rapport à la noirceur du roman sont évidemment prises bien que ce choix soit plutôt compréhensible au vu d'un film visant avant tout les grands sentiments et de la pertinence dont il fait preuve en dépeignant la monstruosité du personnage d'Edmond peu à peu consumé par sa soif de justice. Rien n'est réinventé certes, mais cette progression à le mérite d'instaurer une certaine zone grise qui peut permettre au spectateur de remettre en question ses agissements.


Sans jamais être une retranscription littérale, Le Comte de Monte-Cristo embrasse néanmoins la langue et la théâtralité assumée de l'œuvre de Dumas afin d'offrir un film ambitieux et dépaysant. Un spectacle à la hauteur de ce que les spectateurs pouvaient espérer.

Luca-hiersDuCinema
7

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le 14 juil. 2024

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