Cette adaptation du célèbre pavé de Dumas et Maquet a les défauts typiques de notre époque.

Depuis quelques années déjà, les blockbusters ont muté.

Le phénomène est apparu à peu près quand le cinéma, en perte de vitesse, a cherché à "reprendre la main" sur les séries qui lui prenaient trop de spectateurs potentiels. Le cinéma s'en est alors inspiré jusqu'à l'absurde, inversant ainsi le processus habituel... la boucle était bouclée mais la messe était dite.


Depuis lors, et au delà de tout sens commun, la durée des films s'est donc allongée mais ce n'est pas pour autant que les personnages apparaissent plus fouillés, les petits et grands détails plus développés, ni les scenarii mieux construits ; bien au contraire.


La seule conséquence semble être, une grande solubilité dans l'eau (... comme la mémoire, mais c'est un autre sujet). Une lente et inéluctable dilution de laquelle on ne garderait, systématiquement, qu'un squelette d'histoire interchangeable et des scènes d'action étendues à l'infini, de manière déraisonnée.


Ce COMTE DE MONTE-CRISTO n'échappe malheureusement pas à la règle.

Il est toujours aussi saisissant de se dire, au bout de 2h45 de film, que l'on ne semble avoir creusé aucun personnage, que tous restent autant effleurés comme de vulgaires poupées de chiffons, une simple toile de fond, à peine des figurants, et que l'on n'a même pas réellement compris les motivations du héros par rapport à certains des personnages qu'il aura croisés, ni ses propres relations à la plupart d'entre eux.

Parfois, on le dira dans une phrase, au détour d'un dialogue, et cela devra suffire au spectateur.

Pire, quand celui-ci a la sensation que certains ressorts dramatiques sont "automatiques", pris pour acquis, et que personne à la barre ne semble avoir trouvé bon, ne serait-ce que d'essayer de lui expliquer certains moments-clés du scénario.


Un fils adoptif... ah bon ? Vraiment ? Quelle relation s'est développée entre eux au fil du temps ? Une fille de substitution... ah bon ? Pourquoi ? Comment ? Et comment le héros l'a-t-il retrouvée, convaincue, recrutée ? Et à qui appartient ce bateau ? Et comment une seule personne, même capitaine de formation, peut-elle naviguer et faire voguer un voilier à 3 mats, toute seule ? Et comment le héros savait-il, en tendant un revolver même chargé à blanc à une personne, que cette dernière viserait le torse ? Et comment le héros survit-il avec son ventre transpercé de part en part par la lame d'une épée ? Et où se retrouvent la terre et les pierres extraites des trous creusés dans la prison ? Et combien de temps séparent les appels des gardes ? Et comment font les prisonniers pour rejoindre leurs cellules à temps pour y répondre tout en continuant de creuser ? Et comment leur nourriture est apportée dans leur cellule ? Et... ?

2h45 et aucune réponse à ces innombrables questions, probablement jugées futiles. Et pourtant, elles constituent le ciment de tout scénario digne de ce nom.

2h45 et plus que jamais, le spectateur devra consentir à suspendre son incrédulité de façon herculéenne.

Terrible.

Alors, dans un cas comme celui-ci, que reste-t-il ?


- L'action ?

Elle est grandiloquente, pesante, exagérée, prétentieuse... inutilement. Ça "drone" et ça ralentit à tout va.

C'est ce qui arrive quand le seul projet est d'empiler les "belles images", quand on choisit d'illustrer plutôt que d'adapter.


- Les acteurs ?

Ils sont presque tous à côté de la plaque, unidimensionnels, trop "petits" pour leurs rôles romanesques, sauf deux d'entre eux (souvent les mêmes) : Patrick Mille et Laurent Lafitte (toujours brillant en gros salopard).

Anaïs Demoustier est probablement le personnage qui se retrouve le plus gâché dans cette adaptation se voulant exhaustive. C'est dommage, la pauvre n'a rien à jouer mais ça ne l'excuse pas de sa prestation, transparente et fadasse.

Niney, quant à lui, crispe la mâchoire et fronce les sourcils.


- La photographie ?

Blême, ocre, grisâtre, bref "à la mode 2020".


- La musique ?

Un calvaire.


Non, vraiment, il n'y a pas grand chose à sauver ici, à peine un canevas, 20 excellentes premières minutes, prometteuses, romanesques, bien mises en scène, bien éclairées, bien rythmées, bien jouées, bien racontées.

20 premières minutes idéales, malheureusement suivies d'une longue descente aux abysses, emplies de choses inexpliquées, de relations non développées, d'incohérences terribles, de personnages creux, plats ou transparents ou les 3 à la fois.


Alors les réalisateurs-scénaristes accumulent un trop plein de tout pour masquer du vide et tenir sur la longueur.

Comme un athlète qui aurait, à peine, de quoi briller sur 50 mètres mais qui aurait décidé de s'inscrire sur 5000 mètres.


Et une question se pose même... LA question : finalement, VIDOCQ était-il un film aussi désastreux qu'on n'a bien voulu le dire ?

Torrente
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Créée

le 27 oct. 2024

Modifiée

le 27 oct. 2024

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Torrente

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