Au départ, on croit s’être trompé de salle ou de film. Robin Wright, dans son propre rôle, essuie les déboires d’une carrière en berne, rythmée, selon les producteurs de la Miramount et son propre agent, de choix catastrophiques depuis quinze ans. Fragilisée, elle finit par se résoudre à laisser la Miramount scanner son corps et s’approprier son identité d’actrice, afin de se consacrer à ses deux enfants, Aaron et Sarah. La conséquence : l’anonymat, au profit de son double numérique… Deux décennies plus tard, elle revient assister au Congrès de futurologie.

Nos repères explosent en même temps que ceux du personnage principal. Impossible de d’être rassuré par un point de vue omniscient car tout au long de l’histoire, nous nous attachons au destin de Robin, femme de notre époque décrite comme terriblement ordinaire, aux soucis communs, à laquelle on s’identifie et pour laquelle on ressent une empathie immédiate.

Un déferlement de couleurs bruyantes annonce l’entrée en matière de ce que Le congrès souhaite réellement nous montrer : un monde alternatif déroutant aux allures dictatoriales. Inspiré du roman de Stanislaw Lem Le congrès de futurologie, dans la lignée des Orwell, Bradbury et autres Huxley, le dernier film d’Ari Folman est une aventure foisonnante et déroutante dans les contrées de l’esprit. Ses thématiques le rapprochent étrangement de la saga Matrix, qui d’une pilule offrait un passeport vers la cruelle vérité ; les deux s’interrogent sur la portée philosophique du renoncement à la liberté d’exister en tant qu’être tangible et la nature même de la réalité. Robin s’interroge à plusieurs reprises sur ce qu’elle voit et ressent : ces expériences sont-elles issues de son propre esprit, de celui d’un autre, ou réelles en tant que telles ?

Avec elle, nous perdrons toute notion du temps et de l’espace, avec pour seule bouée le désir de revoir son fils Aaron ; une bouée bien légère pour affronter les folies oniriques dans lesquelles elle sombre peu à peu. Le congrès nous entraîne dans les limbes de l’évasion, met en abîme notre propre réalité, celle de Robin Wright, actrice réelle au destin étrangement semblable à celui de son alter ego dans le film, et ces mondes délirants dans lesquels, dangereusement, on souhaiterait presque se perdre… pour oublier nos larmes.
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le 30 déc. 2013

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