Pas le temps d'enfiler un maillot avant le grand plongeon. "Il n'y a pas de porte. Tu y es", disait Borges dans son poème labyrinthique. Et Robin Wright y est, de pleine tête à défaut de plein pied, dans le labyrinthe de sa propre imagination.


Le film interroge sur notre propre notion de la réalité : si l'on vivait en permanence dans un état modifié de la conscience, cette réalité ne deviendrait-elle pas la réalité ? Notre réalité actuelle n'est-elle pas déjà un délire collectif hallucinatoire ? Ou un rêve ? Si ce sont les émotions ou l'imagination qui font de nous des humains, alors la substance de The Congress transcende notre espèce. Car au final, "everything is in our mind". Notre esprit, délesté de tout ego, de toute peur, de tout orgueil, devient sans limite.


Mais la transcendance artificielle du film déconnecte la réalité mentale de la réalité physique. Pour devenir sans limite, il faut se débarrasser de ce qui est limité. Elle abandonne le corps, fragile, encombrant. Le thème de l'âge gravite tout au long du film sur les épaules d'une Robin en quête de reconnaissance éternelle, et son fils Aaron est sérieusement malade... sauf dans le monde imaginé de Robin. Dans ce monde de l'esprit, tout est possible.
Cette libération des corps reste illusoire et Robin revient sur Terre. La gravité, insoutenable poids de l'être, l'empêche de voler et lui rappelle la souffrance de vieillir. Elle se traîne, misérable, à trop avoir négligé cet autre monde.


À l'inverse des pratiques naturelles telles que le rêve lucide, l'hypnose, ou la méditation, toutes impermanentes, The Congress (et au-delà, Le Congrès de Futurologie) pose la question des dérives possibles des progrès pharmaceutiques et du développement des drogues légales (aussi appelées "médicaments"). Il fait écho avec l'actualité, aujourd'hui même, du salon du jeu vidéo E3 dans lequel le casque de réalité virtuelle est présenté comme un nouveau palier vers l'immersion dans des mondes. Et l'humain ayant une propension à l'insatisfaction permanente, il est probable qu'à l'instar de la drogue de The Congress, on ne puisse plus très bien différencier réalité physique et réalité mentale dans un avenir proche...


Avec cette révolution, l'ultime question que pose le Dr Barker à Robin, s'apprête à se poser à nous : allons-nous choisir de sacrifier la douleur de la réalité pour une illusion d'éternelle liberté ?

49Days
8

Créée

le 19 juin 2015

Critique lue 371 fois

2 j'aime

Fortynine Days

Écrit par

Critique lue 371 fois

2

D'autres avis sur Le Congrès

Le Congrès
Rawi
9

Critique de Le Congrès par Rawi

Le générique se termine et le film s'ouvre sur le gros plan d'un visage de femme en train de pleurer. Le regard dans le vide, cette femme écoute un discours que lui tient son agent sur sa vie...

Par

le 10 déc. 2014

64 j'aime

13

Le Congrès
KingRabbit
4

Un peu de Simone, de Toonville, de Roger Rabbit, de Matrix, d'Inception, et beaucoup de Coke, SVP

Mais... Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Quel est ce gloubiboulga informe à la lourdeur pachydermique ? Quel est le sens de ce charabia complet, cette confusion totale, cet agencement bordélique de...

le 26 juil. 2013

48 j'aime

57

Le Congrès
eloch
8

" Je marche sur une terre qui perd la raison "

Une mère magnifique, une femme éblouissante, une actrice ratée. Un monde en passe de mourir, un cinéma tout autant, voilà le portrait que dresse l'excellente première partie du film de Folman. A elle...

le 6 juil. 2013

43 j'aime

5

Du même critique

Roar
49Days
10

Jurassic 'WHAT THE FUCK !' Park

Roar est inclassable et impossible à noter. À la fois hilarant et terrifiant, le film est totalement hors de contrôle et le résultat est démentiel. Il faut d'ailleurs être un peu dément pour avoir...

le 31 janv. 2016

20 j'aime

8

Tracks
49Days
1

En plein dans le 0

Voilà un film qui passe totalement à côté de son sujet. Le parcours initiatique initial, aux confins de la solitude et du rapport animal, sa seule et unique compagnie sociale et source de...

le 26 août 2014

19 j'aime

12

Contact
49Days
8

Premier premier contact, ou l'obsolescence de la science

La sortie il y a un an de Premier Contact, du réalisateur canadien Denis Villeneuve, est l'occasion de revisiter ses sources d'inspiration. De Rencontre du 3ème Type à 2001 : l'Odyssée de l'Espace,...

le 12 nov. 2017

19 j'aime

3