Reposant sur un paradoxe, Le Convoi des braves roule sur un chemin bancal. D’un côté, le film, sorti en 1950, se présente comme une production des années 30 avec sa pellicule usée, son montage parfois curieux et, notamment, ses ellipses improbables. De l’autre, il fait preuve d’une audace incroyable. Alors que le western de ces années-là réclamait de l’action et des rebondissements à tout-va, John Ford fait le choix de se concentrer sur le périple d’une communauté de Mormons à travers l’Utah en évitant soigneusement d’enrichir son intrigue.
L’attaque des Indiens n’a ainsi pas lieu (l’histoire se termine autour d’un feu et de musique), l’attaque des bandits n’a presque pas d’incidence (un simple gunfight expédié en moins d’une minute sur la fin) et les péripéties rencontrées par le convoi sont minces. Il s’agit simplement de dresser le portrait d’une communauté joyeuse qui aime danser et qui croit en son étoile pour s’installer en « terre promise ». Pour l’amateur d’action, c’est forcément un peu terne et bavard, John Ford faisant se succéder des tableaux qui esquissent les portraits des uns et des autres.
L’idée est simple et le projet se veut généreux. Il l’est assurément, mais l’ensemble manque cependant d’envergure et les personnages ne sont pas assez fouillés pour être tout à fait convaincants. On retrouve quelques personnages hauts en couleurs mais l’admiration de Ford pour ces pionniers est telle qu’il hésite à épaissir le trait pour ne pas dégrader leur périple. Tout ceci ressemble donc à une fable un peu trop lisse pour vraiment émouvoir, mais l’optimisme de Ford rend l’ensemble attachant au milieu des sublimes paysages de Monument Valley.