Un an après "L'assassin habite au 21", on retrouve le tandem Henri-Georges Clouzot à la réalisation et Pierre Fresnay en personnage principal, dans un polar éminemment plus sombre et désenchanté, et plus conforme aux œuvres futures du cinéaste.


Dans une sous-préfecture de province, un corbeau sème le trouble dans la population par le biais de lettres anonymes odieuses mais souvent fondées, au centre desquelles on retrouve souvent le docteur Germain, médecin fraîchement arrivé dans la bourgade.


Dans une France occupée, voire collaborationniste, on peut évidemment imaginer plusieurs niveaux de lecture au film de Clouzot, qui par sa mise en scène brillante, ses dialogues ciselés, et sa façon de dépeindre une certaine bourgeoisie provinciale, signe un film mémorable.


On appréciera donc la dimension subversive du métrage, qui égratigne subtilement la religion, les autorités politiques et médicales, et plus généralement la bien-pensance et la médiocrité générales.
On comprend pourquoi le film fut rejeté aussi bien par le régime de Vichy que par la Résistance, chacun refusant le portrait que fait Clouzot du peuple français, lâche et individualiste.
Cela vaudra au cinéaste une interdiction définitive d'exercer son art, ramenée fort heureusement à deux ans.


D'autre part, "Le corbeau" est aussi un véritable thriller, un whodunit à la Agatha Christie, à la tension oppressante jusqu'à ce double twist final d'un pessimisme effrayant. Chaque personnage semble avoir quelque chose à cacher, ce qui entretient habilement la tension et le suspense.


La distribution est un autre point fort du film de Clouzot, autour d'un Pierre Fresnay impérial (dommage que le phrasé incertain de son personnage ne fasse pas honneur à sa diction) et d'une Ginette Leclerc touchante en nymphomane boiteuse.
On retrouve avec plaisir des seconds rôles aussi marquants que Noël Roquevert, Antoine Balpetré, Micheline Francey, Louis Seigner, ainsi que les inquiétants Pierre Larquey et Helena Manson.


Au final, Clouzot signe un grand classique du cinéma français. Le terme de chef d'œuvre ne me paraît pas galvaudé pour un film qui frôle la perfection dans tous les domaines (photo, mise en scène, interprétation...).

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le 31 mars 2015

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Val_Cancun

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