J'avais quitté Jean-Paul Belmondo et Henri Verneuil sur un quai de gare à la fin d' « Un singe en hiver » : c'est à l'arrivée d'un train que je retrouve le premier, toujours devant la caméra du second et toujours avec le même plaisir. Je le répète presque à chaque fois, mais quand même : quel pied de découvrir petit à petit la filmographie de l'ami Henri, où « Le Corps de mon ennemi » figure en bonne place parmi ses plus grandes réussites.
Montage d'une habileté diabolique alternant intelligemment entre passé et présent, voix-off grinçante au possible, hallucinante galerie de personnages... Pas de doute, le réalisateur fait une fois de plus preuve d'un professionnalisme impressionnant, sans jamais oublier la dimension extrêmement noire du propos. L'œuvre a beau disposer parfois d'un certain sens de l'humour, l'écriture s'avère toujours au service d'un constat très violent, peinture sans fard d'une bourgeoisie hypocrite, sans scrupules et surtout prête à tout pour sauver les apparences.
À ce titre, que ce soit l'immense Bernard Blier, Daniel Ivernel ou François Perrot, tous sont remarquables de médiocrité dans leurs petits arrangements mesquins, sans pour autant éclipser les autres. De la sublime Marie-France Pisier à Claude Brosset en passant par une toute jeune Nicole Garcia, tous ont un rôle important à jouer dans cette histoire, sans oublier évidemment un Jean-Paul Belmondo sans surprise, mais d'une redoutable efficacité.
Et tant pis si cela patine légèrement dans la dernière partie, l'impeccable final faisant aisément oublier ces petites lacunes. Bref, une histoire de vengeance remarquablement menée doublée d'un portrait acerbe et cynique de la haute société, le tout mené de main de maître par deux immenses professionnels, l'un à la mise en scène, l'autre à l'écriture (Audiard, what else?) : un modèle de cinéma populaire.