Pour tenter d'apprécier ce film de Renoir, il faut le regarder au premier degré et s'abstenir de réfléchir. Il faut prendre l'histoire et les personnages comme ils viennent et, comme dirait l'autre, profiter de la belle photographie et des acteurs principaux. Même comme ça, c'est pas complètement gagné mais ça passe sans trop de casse.
Car, quand même, c'est Renoir !!!
L'histoire de base repose sur une idée qui en vaut bien d'autres.
A ma droite, il y a le professeur de biologie renommé Etienne Alexis (Paul Meurisse) tenant de l'insémination artificielle des femmes au vu des excellents résultats sur les vaches pour améliorer significativement la qualité de la race humaine. Bon, pourquoi pas ...
A ma gauche, il y a une jeune paysanne, belle comme un cœur, Nénette, pleine de vie qui aimerait avoir un enfant mais sans le concours d'un homme sur l'intéressant argument que tous les hommes sont fainéants. Bon, pourquoi pas ...
Donc fatalement, ces deux olibrius sont faits pour se rencontrer.
Et, à l'occasion d'un "déjeuner sur l'herbe", ils vont se rencontrer. Je vous laisse deviner ce qu'il va se passer
et comment la science est mise en défaut. Non, non, ce n'était pas du tout prévisible. Non, non.
Déjà, là, simplement sur cette base, on aurait pu faire une belle comédie sans prétention. Aidé par la belle photographie et la musique, ça aurait été un petit film mignonnet tout plein. La larme à l'oeil, le sanglot dans la voix, c'est sûr, j'aurais même craqué pour faire grimper la note de cet avis.
Mais non, il a fallu que Renoir intellectualise, théorise, critique, politise etc etc. Ce qui fait que le spectateur écoute et se met même à réfléchir pour conclure par un tonitruant "mais quelle connerie !". D'où ma première phrase un peu sibylline.
Je m'énerve pas, Madeleine, j'explique aux gens.
Oui, parce que la théorie du professeur (il faut évidemment comprendre "les élites") s'accompagnerait d'une volonté politique lancée au niveau au moins national (sinon européen) d'insémination généralisée qui induit un développement de l'industrie (chimique entre autres) avec des profits colossaux. Le sujet "gentillet" se transforme, insidieusement, en une vaine démonstration politico-socialo-économique qui n'a d'autre ambition que de dénigrer ou l'industrie ou la science ou les élites ou les trois en même temps. Aucun intérêt. En tous cas pour moi.
Pour appuyer cette (brillante) démonstration, on y va même de l'interview d'un couple de "gens simples" bégayant et ne sachant pas parler qui expliquent, en gros, que leur fils obtenu par insémination est tellement intelligent qu'il leur a fallu s'en séparer, n'étant plus capables de l'élever. Triste.
Mais parlons plutôt de ce qu'il y a de bien dans le film : j'ai beaucoup apprécié que le "déjeuner sur l'herbe" se déroulait, par un hasard qui fait bien les choses, à côté d'un ancien temple de Diane qui était déesse de la fécondité. Et un facétieux berger accompagné d'un bélier dont je ne doute pas une seconde qu'il est un envoyé de Diane, procède, à l'aide d'une flute de Pan, à des changements météorologiques propices à rebattre les cartes et, au final, "arranger" des couples.
Paul Meurisse fait un numéro d'acteur excellent (comme toujours) ainsi que la jeune Catherine Rouvel dans le rôle de la vibrante et très vivante Nénette.
Il en est de même de Charles Blavette dans le rôle du berger avec son bélier ou encore Fernand Sardou dans le rôle du père de Nénette.
Venons-en à la conclusion. Renoir a voulu faire un film ambitieux sur d'improbables considérations sociétales. Il a raté la cible en faisant un film peu crédible. Il eût mieux valu rester sur un niveau plus modeste et faire un joli petit film avec l'amour conquérant, l'amour plus fort que la science, pourquoi pas, et laisser le spectateur sur un petit nuage.
Comme on dit toujours, "le mieux est l'ennemi du bien"