Esthétique cinématographique et verticalité
Le cinéma des années 20, c'est certes noir et blanc et muet, mais c'est aussi un cinéma figé dans un format 4/3. Loin du cinémascope ou du 1.66 qui a élargi l'espace.
Le format 4/3 permettait une autre esthétique avec une image plus proche de la vision naturelle de l'être humain. Une vision naturelle qui fonctionne très bien pour lire les expression d'un visage (d'où le gros plan cinématographique) et travailler sur la verticalité des constructions.
Une Histoire à Chute
"Le dernier des hommes", sorti en 1924, est l'un des chefs-d'œuvre de Murnau qui explore les thèmes de la déchéance, de la dignité humaine et de la perte de statut social.
Le cinéma muet, qui a connu son apogée dans les années 1920, était un médium visuel dans lequel les réalisateurs devaient raconter des histoires en se concentrant sur les images plutôt que sur les dialogues. Cette limitation a conduit à des expérimentations audacieuses en termes de narration visuelle.
"Le dernier des hommes" est l'un des sommets de la carrière du cinéaste, et il se distingue par l'utilisation remarquable de la verticalité.
VERTICAL
Décor
L'esthétique cinématographique du "dernier des hommes" se manifeste dès les premiers instants du film, avec des décors verticaux qui mettent en valeur la dégradation physique et sociale du protagoniste, joué par Emil Jannings.
L'histoire se déroule principalement dans un grand hôtel, où le personnage principal travaille comme portier. L'hôtel est représenté comme un espace hiérarchisé, avec les étages supérieurs réservés aux clients aisés et les étages inférieurs aux employés. Les plans verticaux soulignent cette division sociale, renforçant ainsi le sentiment d'aliénation et de déclin du personnage.
Dans une scène où les portiers de l'hôtel descendent l'escalier, les portiers sont habillés de manière identique, et leur uniformité est mise en évidence par la composition du plan. La caméra se déplace de haut en bas, montrant chaque portier descendre les marches les uns après les autres. Cette séquence souligne la perte d'identité individuelle des personnages, tous relégués au même rôle subalterne.
Photo
À travers des jeux subtils d'ombres et de lumières, le réalisateur crée une atmosphère sombre et oppressante, renforçant ainsi le désespoir qui imprègne le récit. Les scènes nocturnes sont particulièrement frappantes, avec des ombres projetées sur les murs et les visages des personnages, symbolisant leur déchéance morale et leur perte de statut social.
Le film s'ouvre sur un plan en plongée montrant le protagoniste, portant son uniforme de portier, gravissant les marches de l'hôtel. La caméra adopte un point de vue subjectif, soulignant l'importance symbolique des étages supérieurs. Ce plan établit immédiatement la thématique de la verticalité et annonce la déchéance imminente du personnage.
Fatum
La lumière ou l'obscurité, c'est ce qui tombe d'en haut.
Dans "Le dernier des hommes", la verticalité est utilisée comme une métaphore visuelle puissante pour représenter la chute sociale et psychologique du personnage principal. À mesure que le protagoniste perd sa fonction de portier et est relégué à des tâches subalternes, il est littéralement relégué aux étages inférieurs de l'hôtel, sa posture devient courbée et son regard est dirigé vers le sol. Les plans en plongée accentuent cette dégradation, renforçant ainsi le contraste entre le passé glorieux du personnage et sa réalité actuelle.
Le corps d'Emil Jannings lutte pour rester droit contre la force du destin, celle de la gravité et le jeu de la société humaine.
Vieillir c'est débander.
Dans une scène poignante, le personnage principal se regarde dans un miroir. La caméra adopte un angle oblique, accentuant ainsi la verticalité du reflet. Le protagoniste contemple son image déformée, soulignant ainsi la distorsion de sa propre identité et la dégradation de son statut social.
Dans son film Murnau montre un homme qui se dégonfle
Les choix esthétiques témoignent du génie de Murnau en tant que réalisateur et de sa capacité à utiliser les éléments visuels pour raconter une histoire puissante. On peut néanmoins se demander, à la lumière de la modernité, la pertinence de cette représentation du concept de digité masculine.
D'un point de vu purement formel, le cinéphile vivra expérience cinématographique riche en émotions et en symboles, où chaque plan est soigneusement conçu pour transporter le spectateur dans le monde tourmenté du personnage principal.