Avec Le Deuxième Acte, Quentin fait du Dupieux : une comédie à l’absurde si particulier dont lui seul a le secret. Toujours avec un casting cinq étoiles, un concept fort, et dans un style très épuré (seul son film Wrong, en 2012, dépasse – d’une courte tête – les 1h30 de long métrage).
Avec les films de Dupieux, c’est quitte ou double. Le réalisateur est – peut-être un peu trop – prolifique avec une moyenne de deux films par ans. Mais j’ai remarqué depuis déjà quelques films que je n’en appréciais qu’un sur deux. Incroyable mais vrai n’avait malheureusement rien d’incroyable, Fumer fait tousser m’avait plutôt plu, Yannick avait été une déception, Daaaaaali est pour moi son meilleur film depuis le Daim… En suivant les maths, j’allais donc être déçu par cette dernière sortie. Et malheureusement, ça n’a pas loupé.
Le Deuxième Acte a été présenté en Ouverture Hors Compétition de cette édition de Cannes 2024, assurant au passage au festival une très belle montée des marches. Pourtant, j’ai trouvé que le film manquait de panache et n’arrivait pas – tout comme Yannick l’été dernier – à dépasser son concept, à créer une véritable intrigue à partir de son idée originale.
Ce concept, c’est celui de la mise en abyme, que l’on retrouve à plein d’étages dans le film. D’abord à travers le nom du restaurant, qui porte le titre du film, mais aussi dans le développement de l’histoire, celle d’un tournage de film en train de déraper. Et ce jusqu’au dernier plan du film, un traveling sur les rails ayant servi à faire avancer la caméra durant les scènes du début. Pour boucler la boucle en quelque sorte.
Certains diront qu’il s’agit d’un film de rageux. Sans aller jusque-là, je pense effectivement que Quentin Dupieux a voulu profiter de son film pour dénoncer tout un tas de travers du milieu du cinéma, qui doivent sans aucun doute l’exaspérer. Du mouvement MeToo, (qui ici poussé à l’extrême devient grotesque), de la Cancel Culture qui mène les artistes à s’auto-censurer, de l’IA qui apparaît dans le film comme un gadget dysfonctionnel… Bon nombre de ces questions sont passées à la moulinette de l’absurde et donnent lieux à des dialogues surréalistes. Pourtant, pris dans sa globalité, le film donne l’impression de cocher les cases d’une check list des affaires qui secouent le monde du cinéma actuel, sans approfondir. Le Deuxième Acte m’a laissé l’impression de rester en superficie de sujets qui auraient été intéressant de développer au scénario.
Restent des dialogues délicieusement savoureux et lunaires, et un jeu d’acteur assez exceptionnel. Raphaël Quenard, déjà héros de Yannick, est fidèle à lui-même : un acteur complètement déjanté au franc parlé particulièrement piquant. Léa Seydoux, que pourtant j’ai beaucoup de mal à apprécier d’habitude, est ici excellente. Seule femme au milieu de cette bande de garçons qui se chamaillent, elle tire avec brio son épingle du jeu. Vincent Lindon quant à lui est fidèle à lui-même. C’est l’une des premières fois où on le voit prendre du recul sur sa carrière d’acteur, tournant par exemple à la blague ses tics de jeu. Enfin, Louis Garrel qui joue David, l’homme qui n’arrive pas à se défaire d’une Florence éperdument amoureuse de lui, est sans doute celui de la bande que j’ai trouvé le plus faible, en léger surjeu.
Pour un film parlant de cinéma, il y a quelques inexactitudes qui m’ont un peu gêné. Le personnage de Stéphane, joué par Manuel Guillot, est présenté comme un figurant, mais n’en est pas un. Il occupe toute la séquence d’ouverture, où il vient ouvrir – tout tremblotant – le restaurant, et adresse la parole au quatuor assis à la table. D’autre part, Léa Seydoux s’engueule avec son agent, lui reprochant de partir en vacances avec son argent. On comprend cette pique pour les besoins scénaristiques du film, mais dans la réalité, les fameux 10% des agents ne sont absolument pas pris sur le salaire des acteurs et actrices, mais sont payés en plus de la poche de la production.
Le Deuxième Acte restera pour moi dans la filmographie du Dupieux comme assez anecdotique. De longs tunnels de dialogues (improvisés ?) tournés en plan séquence, une fin plutôt bâclée, et la découverte de Manuel Guillot, un acteur que j’avais déjà vu dans Les Goûts et les couleurs de Michel Leclerc, et dans Frères d’Arme de Sylvain Labrosse, et qui gagnerait à accéder à de futurs premiers rôles.
Un Dupieux mineur en somme…