Il est tentant, et certainement pas infondé, de justifier un relatif désamour du cinéma de Dupieux par une lassitude liée à la trop grande productivité du bonhomme.
Seconde de Mr Oizo en 2024, le deuxième acte est également sa troisième œuvre en moins d'un an, ce qui peut effectivement donner le sentiment que le cinéaste est dans une démarche de production stakhanoviste, plus que dans une perspective de création et d'innovation. Pourtant, même si les gimmicks du réalisateur rebondissent d'un métrage à l'autre, l'accuser de redondance dans son propos ou ses thématiques, c'est aussi un peu jouer de mauvaise foi. en effet, même si la fin de "Deuxième acte" esquisse une réflexion assez proche de celle qui sous-tendait le propos de "Yannick", Dupieux modifie ici son approche, le propos est moins dilué, énoncé de manière plus frontale, mais également beaucoup plus explicatif.
La séquence d’exposition, (long travelling de plus de 600 mètres, et plan séquence de neuf minutes), magistrale dans l’initiation du récit et la compréhension des mises en abymes à venir, est également balbutiante dans ses affirmations : de la même manière qu’il faut quelques pages de dialogues pour expliquer une situation amoureuse simple dans le film « fictif », il en faut tout autant à Dupieux pour définir une de ses thématiques : l’autocensure qui gouverne à la fois la société actuelle et un monde du cinéma totalement formaté dans lequel le moindre écart de langage conduit à la mise au ban de son auteur. La dialectique est laborieuse déjà, elle le sera tout autant dans la scène suivante (long travelling également), qui questionne (par le biais d’un dialogue « hors cadre », entre Vincent Lindon et Léa Seydoux), le métier d’acteur, le rapport au narcissisme, donc, la quête de reconnaissance comme seul moteur dans un monde pourtant en plein effondrement.
Evidemment certains dialogues sont caustiques car, probablement criants de vérité, Dupieux semble régler ses comptes avec le microcosme bien- pensant du cinéma français, dominé par un certain entre-soi. Les scènes avec Manuel Guillot (épatant en acteur débutant au milieu des quatre acteurs confirmés et totalement égocentrés) sont probablement les meilleures, l’auto-dérision des quatre têtes d’affiche est à saluer, même si l’effet Dupieux et la plus-value en terme de notoriété apportée par une apparition au générique d’un de ses films nuance quelque peu le risque pris en terme d’exposition d’image.
Bref, il aurait été facile de passer outre ce sentiment de redondance dans l’affirmation du propos, s’il n était accompagné d’un autre sentiment (subjectif certes) de justification permanente. En pointant de manière récurrente, les travers d’une industrie soumise aux algorithmes et l’IA, en opposant systématiquement un cinéma d’auteur confidentiel au prestige des œuvres des « grands cinéastes » (ici Paul Thomas Andersson), et surtout en apportant plus de cohérence dans sa réalisation (et même une vraie fin), le cinéaste semble pour la première fois expliquer sa démarche
Impression accentuée par la belle scène accompagnant le générique de fin qui montre l’envers du décor et la longueur des rails utilisés pour son travelling
mais par là même dénaturer un peu sa démarche…