Qu'il semble déjà loin le temps de Yannick (2023) sorti il y a à peine quelques mois, ce huit clôt au concept original, d'une économie de moyen folle rappelant évidemment le chef d'œuvre de Sidney Lumet Douze hommes en colères (1957).
Où est donc passé ce réalisateur français, nommé Dupieux, aux concepts atypiques avec de vraies propositions artistiques ? Comment le réalisateur de Réalité, oeuvre cinématographique française de génie, sorte de cadeau fait au Septième Art, mêlant mise en abîme et burlesque, en est-il arrivé à pondre des longs-métrages insipides, fastidieux à regarder et narcissiques au possible ? Serait-il en train de rejoindre ce bon vieux Wes Anderson, metteur en scène de renom (lui aussi un poil nombrilique) dont le seul intérêt de sa récente filmographie ne résulte que dans sa direction artistique ? Car le visionnage du Deuxième acte n'a fait que ressasser le sentiment de stupéfaction ressenti lors de la projection à Cannes d'Asteroid City (2023). Ces réalisateurs, sont-ils tous voués à devenir l'antithèse de ce qu'ils étaient au départ, c'est à dire des Artistes ?
Tout au long du visionnage, je n'ai eu de cesse de me poser la même question : que suis-je en train réellement de regarder ? Parfois, je l'avoue, c'est bon signe au cinéma, ici manque de pot ce n'est pas le cas.
A cette première question, s'en est rapidement mêlée une deuxième : Suis-je trop sot pour ne pas comprendre la signification de ce long travelling de plusieurs minutes clôturant le film ? Godard disait que "le cinéma, c'est une affaire de travellings", bien sûr, à condition que ces dits travellings ne soient pas juste un prétexte narcissique pour étaler son savoir-faire technique au spectateur.
Puis une troisième question s'est rapidement glissée dans les deux premières : Suis-je trop jeune ou "progressiste" pour ne pas rire franchement devant les blagues lourdes et dépassées de Raphael Quenard, considéré comme le "véritable vent de fraîcheur" du cinéma français, et qui semble (déjà) être devenu la caricature de lui-même ? Car à moins d'être sourd, le long-métrage de Dupieux semble bien fustiger, voir persifler, et cela, de manière grossière, dans la plus grande des maladresses, les problématiques de la société actuelle (Cancel culture, violences faites aux femmes, question du genre et de l'orientation sexuelle...).
On pourrait bien entendu me rétorquer qu'on peut rire de tout (ce qui est le cas) et que ces séquences de railleries, dont il est ici question, correspondent en réalité à de la mise en abîme, et que, par conséquent, ce n'est pas l'intention véhiculée par le réalisateur. Après tout, la fin du moyen-métrage semble nous montrer que ce que nous avons visionné jusque-là n'était qu'illusion, disons le plus clairement, c'était de la fiction dans de la fiction. Les apparences ne sont pas la réalité. Les personnages ne sont pas les acteurs qui ne sont eux-mêmes pas l'image qui transparaît dans les médias. Donc, les propos tenus par les personnages ne sont pas ceux des acteurs. Or, quand ces séquences de dérision s'étirent pendant de longues minutes, qu'elles apparaissent comme le cœur du film, et que la salle remplie de vieillards se met à rire à pleine dent, c'est qu'il y a bien une intention derrière. Mais ici, il n'est certainement pas question de prendre des pincettes.
Je me demande à quoi peut bien rimer cette mascarade. Sert-elle un propos, celui du film ? Dénonce-t-elle au contraire avec humour les comportements que l'on qualifierait à l'heure actuelle de "toxiques" ? En fait, la mise en abîme est telle qu'on s'y perd dans le propos, on tombe dans la maladresse, ce qui n'était peut être même pas voulu par Dupieux, celui-ci passant littéralement pour le vieux con de service.
Ajoutez à cela une critique virulente de l'intelligence artificielle à la fin, absolument vue et revue au cinéma, et on tient là un vrai film de boomer.
Ce film accentue donc, selon moi, la chute du cinéma de Quentin Dupieux. A force de vouloir démontrer que l'on est artiste on en devient tout le contraire. Cette quête perpétuelle du réalisateur de la mise en abîme, de la fiction dans la fiction entraîne la maladresse, et celui-ci devient, à la fin, nulle autre qu'un vieux con qui a conscience de faire des films de vieux cons.