« Le Diable au corps » de Raymond Radiguet provoqua scandale et polémiques à peu près jusqu’à la fin des années vingt et resta encore un livre à la réputation sulfureuse jusqu’à la fin des années quarante. Le film scénarisé par Jean Aurenche Pierre Bost et réalisé par Claude Autant Lara connut sa période de scandale (il manque deux minutes par rapport à la version initiale de 112 minutes) et polémiques (il fut interdit dans certaines villes de province sous la pression combinées des ligues de moralité et des associations d’anciens combattants), à la fois pour le détournement de mineur et pour la manière acide dont il écorne le patriotisme de circonstance, la scène du bar à la fin du film et les drapeaux qui apparaissent à la fenêtre du détestable couple de concierges font preuve d’une remarquable maestria technique. En exceptant une mise en place inégale, une scène d’amour qui se limite à un long plan sur les flammes d’un âtre et la plate musique de René Cloërec, le film fait preuve d’une grande maîtrise avec une mention particulière à la direction d’acteur. A commencer par Gérard Philippe qui ne voulait pas du rôle, se trouvant trop vieux (25 ans) et Micheline Presle dont c’est la plus belle performance d’actrice. Mais aussi Denise Grey mère à la fois terrible mais émouvante, mentant pour tenter un sauvetage désespéré devant la fuite en avant de sa fille et Jean Debucourt père bienveillant qui tente d’apprendre la vie à son fils. Si les grands moments ne manquent pas, la vision du film de nos jours questionne. Les côtés scandaleux qui paraissent bien mièvres, comme le rythme inégal du film, en font une œuvre datée. La nouvelle vague en général et François Truffaut en particulier, s’est acharnée sur Autant-Lara et « Le diable au corps » est devenu l’exemple du classicisme ringard. Exagéré et injuste.