Critique rédigée collectivement dans le cadre de l'épreuve de TPE session 2017-2018
Intro, annonce de la problématique
Le genre comique désigne ce qui provoque le rire, par les gestes, les dialogues ou la situation, aux spectateurs. Le genre dramatique désigne les films traitant d’un sujet tragique de manière sérieuse, voire malheureuse.
Problématique
Nous pouvons alors nous demander comment certains cinéastes (Chaplin, Benigni, Lubitsch, Oury), dans l’évocation de la Seconde Guerre Mondiale, font franchir au spectateur la frontière entre un contexte historique tragique et son traitement cinématographique sous le mode de la comédie.
Rapide présentation du film
Le Dictateur (ou The Great Dictator en VO) est une comédie américaine de et avec Charlie Chaplin, interprétant un double rôle : celui du barbier, et du dictateur Adenoid Hynkel. Le film met également en scène Paulette Goddard (Hannah), Jack Oakie (Benzino Napoleoni) et Reginald Gardiner (commandant Schultz). Il s’agit du premier film entièrement parlant du Chaplin, tourné en 1939 mais sorti en France qu’en 1945.
Résumé
En Tomania, pays imaginaire parodiant l’Allemagne, un barbier Juif (Charlie Chaplin) devient amnésique suite à un choc survenu lors de la Première Guerre Mondiale, durant laquelle il a été engagé comme soldat. Après avoir passé de nombreuses années à l’hôpital, il découvre que la Tomania est dominée par le régime nazi d’Adenoïd Hynkel, symbolisant Adolf Hitler, ordonnant une persécution omniprésente des juifs. Poursuivi par des soldats nazis après avoir essayé de récupérer sa boutique, il est finalement confondu avec le dictateur Hynkel, lui ressemblant beaucoup. Contraint d’effectuer un discours, il va donc profiter de cette confusion pour changer le cours des choses.
Contexte historique
Chaplin a lancé le projet en 1938, après avoir lu un ouvrage le concernant : Les Juifs vous observent, dans lequel il est décrit comme un « écoeurant acrobate Juif ».
Le tournage débute le 9 septembre 1939, soit huit jours après l’invasion de la Pologne par les nazis.
Le film sort en 1940 aux Etats-Unis. Si le succès commercial est au rendez-vous, les critiques sont mitigées. Chaplin est accusé de faire de l’anti-propagande nazie en faisant d’un sujet tragique une comédie, en plus d’avoir écrit un discours final trop engagé.
Comment le film s’affranchit ?
Le film comporte de nombreux éléments comiques, mais aussi tragiques, que l’on retrouve dans différentes scènes, notamment lors des discours d’Hynkel pour le comique, ou encore lors des scènes de persécutions nazies envers les Juifs pour le tragique.
Scène-clé du film
Certaines scènes jonglent entre le comique et le dramatique, notamment durant l’extrait présentant le dictateur Hynkel qui, seul dans son bureau, s’empare d’un globe terrestre pour jouer avec. Cette scène est comique parce que dans cette scène, le « monstre » redevient en quelque sorte enfant et joue avec le monde (donc la population mondiale) tel un enfant avec un ballon. Néanmoins, ce « rêve » est de courte durée puisqu’à la fin de cette scène, le globe éclate entre ses mains. Elle symbolise la joie du dictateur d’être en possession du monde, mais aussi la spontanéité de la disparition de son jouet.
La scène a la structure d’un ballet, avec une musique douce, en adéquation avec les gestes du personnage de Chaplin. Sa chorégraphie donne une image ridicule du dictateur puisqu’elle est en totale contraction avec son statut, celui de chef d’état tyrannique.
La considération du monde comme d’un jouet est d’une part tragique, puisque tout le monde y est impliqué.
-> contraste dans la narration entre le sérieux et le comique.
Conclusion
Ainsi, cette réflexion nous a permis d’étudier 2 aspects bien distincts de la guerre à travers 2 genres cinématographiques, la comédie et le drame. La comédie permet d’aborder certains sujets sous un autre point de vue que celui qui lui est le plus souvent enseigné. Sans le décrédibiliser, rendre comique un sujet a pour résultat d’ajouter une nouvelle vision qui peut être celle d’autres personnes. L’humour permet à la société de prendre du recul.
« L’humour est la politesse du désespoir », a dit un jour le réalisateur Chris Marker.
Nous retrouvons ce procédé dans les films Papy fait de la résistance de Jean-Marie Poiré (1983), Mais ou est donc passée la 7ème compagnie ? de Robert Lamoureux (1973) ou encore dans La Folle Histoire de Max et Léon de Jonathan Barré avec l’équipe du Palmashow (2016).
Au contraire, le drame offre un aperçu plus sérieux de ces faits, le rendant ainsi plus réaliste.
Nous retrouvons ce procédé dans les films La Liste de Schindler de Steven Spielberg (1993), La Rafle de Roselyne Bosch (2010), Le Pianiste de Roman Polanski (2002), La Chute d’Oliver Hirschbiegel (2004), Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa (1991) ou encore Train de vie de Radu Mihaileanu (1998).
Nous pouvons alors nous demander si nous pouvons rire de tout, par le biais de l’art.