Fresque célèbre
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Ce film de David Lean a longtemps fait partie de mes lacunes en matière cinématographique. Oh, je connaissais la fameuse mélodie (chanson) de Lara depuis fort longtemps qui a été reprise par je ne sais combien d'interprètes. Je savais bien entendu que l'auteur du roman, Pasternak, était en délicatesse avec les autorités de l'URSS, qu'il n'a pu recevoir son prix Nobel, que le roman a d'abord été publié hors URSS, etc …
Mais "le docteur Jivago", je n'ai enfin réussi à le voir qu'il y a 3 ou 4 ans grâce à l'achat d'un DVD. Là, je viens de le revoir pour la deuxième fois…
N'ayant jamais lu le roman, je ne vais pas me risquer d'en parler sinon pour supposer qu'étant donné sa taille, le livre doit mieux détailler les différentes transitions qu'on voit dans le film et peut-être mieux asseoir le contexte politique.
Première impression générale c'est qu'on est vite intrigué et passionné par les personnages principaux qui sont portés par une excellente image (les superbes paysages enneigés ou printaniers avec les jonquilles à perte de vue), de superbes costumes et surtout une musique romantique à souhait (Maurice Jarre). Pour cette dernière, on est longuement mis dans l'ambiance par la musique pré-générique. On sent tout de suite que le contexte révolutionnaire et les troubles que va connaître la Russie seront des éléments de nature à façonner ou à briser les personnages. On prend conscience de l'immensité du pays qui amène une dimension épique au film. On comprend et on admet que la relation entre les trois personnages Youri, Tonya et Lara se situe très au-delà d'une simple relation triangulaire qui laisserait apparaître jalousies ou mesquineries. Ici, on est dans un domaine d'amour, de passion et de respect réciproque. Peut-être peut-on parler pour ces trois personnages "d'âme slave" ? En tous cas, le lyrisme des sentiments et des attitudes des trois personnages emporte définitivement la mise. Il n'est pas étonnant que le film ait eu d'emblée un succès planétaire et très populaire. Voir ce film en grand écran devait en plus être une expérience spectaculaire, bien plus que sur un écran de télé …
Et puis, lorsqu'on revoit le film, ayant déjà l'intrigue bien en tête, on regarde un peu plus les détails ou le contexte révolutionnaire ou les personnages.
Les trois personnages principaux me paraissent très bien traités car il y a à la fois ce que j'appelle "du non-dit significatif" et du lyrisme (slave). De ce fait on peut parler d'amour ou de passion romantique sans que les personnages ne tombent dans la moindre mièvrerie. Il y a même du tragique dans ces amours.
Quant aux autres personnages censés apporter du sens au contexte politico-historique, personnellement, je n'y trouve pas mon compte. Les personnages sont un peu trop manichéens ou trop typiques. Lean devait en avoir conscience car il a mis en scène trois personnages qui finalement ont trois mentalités susceptibles de décrire l'ensemble des gens.
Pacha Antipov (Tom Courtenay) c'est le révolutionnaire pur et dur, radicalisé et enragé (que j'assimilerais bien à un ersatz de Trotsky).
Yevgraf Jivago (Alec Guiness), le demi-frère de Youri, est un communiste rigoureux et sévère mais n'hésite pas à mettre de l'eau dans son vin (lorsqu'il récupère en douce le recueil de poèmes pourtant interdits). C'est un personnage ex nihilo qu'il aurait été bien de définir un peu plus.
Quant à Kamarovsky (Rod Steiger), c'est l'homme qui sait s'adapter à toutes les situations et qui survit très bien. C'est le profiteur. C'est un personnage par essence méprisable. Il ne fera que croître et embellir en URSS …
Ces trois personnages manquent malheureusement un peu trop de nuance et ça a tendance à les décrédibiliser voire même à brouiller le message.
J'en viens d'ailleurs à l'autre grand défaut du film qui concerne les transitions entre les diverses scènes qui auraient mérité un peu plus de précision ou d'approfondissement pour mieux rattacher l'histoire au contexte.
Pour finir sur une note très positive, le casting des trois héros principaux est exceptionnel et inoubliable.
Geraldine Chaplin dans le rôle de Tonya, l'épouse de Youri. Très réservée et amoureuse depuis l'enfance. Excellente.
Julie Christie dans le rôle d'une magnifique Lara avec des yeux bleus que la caméra de Lean ne cesse de traquer. Il manque peut-être le petit "peps" à l'actrice qui traduirait l'âme slave que la musique et l'entêtante chanson de Lara viennent largement combler. Allez, je suis trop sévère, elle est superbe dans son rôle.
Et puis, bien sûr, le charismatique Omar Sharif dans le rôle de Youri. Que dire qu'il n'ait déjà été dit. Beau, secret, le regard de velours, le poète, … Le personnage est un humaniste (comme le titre l'indique, c'est un médecin …) perdu au milieu du tourbillon de l'Histoire. Lean a même poussé le détail à mettre en scène le propre fils d'Omar pour jouer Youri jeune.
Un très grand film de David Lean
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Créée
le 17 mai 2022
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