Cela faisait bien longtemps que je voulais le voir, légèrement inquiet quant au discours a priori fort discutable du film tout en me disant qu'avec un tel casting, cela ne pouvait être foncièrement mauvais. Et finalement... La vérité est un peu entre les deux. À défaut d'être personnel, Joel Schumacher prouve qu'il était capable d'un vrai savoir-faire hollywoodien, non sans quelques lourdeurs (l'utilisation de la musique, notamment), mais menant sa barque avec cohérence et efficacité, ces 140 minutes passant sans ennui, plusieurs scènes (notamment durant le procès) sachant faire leur effet, tout comme de montrer que les manœuvres pour arriver à ses fins viennent aussi bien de l'accusation que de la défense.
L'ambiance tendue est bien retranscrite, la dimension passionnée prise par l'affaire entre la communauté noire et les suprémacistes amenant une tension, une violence crédible. Le réalisateur a également la bonne idée d'intégrer quelques légères notes d'humour, que ce soit dans la relation entre Jake et son acolyte ou Jake et Ellen, le scénario ayant l'intelligence de ne pas céder
à la tentation de l'histoire d'amour.
Enfin, comme j'ai pu l'évoquer, Schumacher a sorti la très grosse artillerie niveau interprétation : pour ne citer qu'eux, Matthew McConaughey, Sandra Bullock, Samuel L. Jackson, Kevin Spacey, Patrick McGoohan et Donald Sutherland, ayant tous un vrai rôle à jouer et le faisant bien (certains mieux que d'autres).
Malheureusement, et bien que l'on évite les propos ouvertement réacs ou trop simplistes, je reste fort dubitatif quand au regard parfois posé sur l'affaire. Si les noirs n'échappent pas totalement à la critique, convoquer ici le Klu Klux Klan pour montrer à quel point « le racisme, c'est mal », cela manque franchement de nuance, tout comme les méthodes du procureur pour essayer d'obtenir la peine de mort. Qu'une partie de l'Amérique soit infréquentable, c'est une évidence, mais de là à la réduire à une grosse opposition gentils/méchants, avec une justice pas loin d'être complaisante sur le sujet, ça me gêne.
L'indulgence dont on fait preuve vis-à-vis de l'accusé aussi (OK, c'était des ordures, mais cela reste un assassinat, malgré toutes les circonstances atténuantes possibles), tout comme certaines grosses ficelles
(en gros, on était à l'agonie juste avant le verdict, mais une intense plaidoirie bien larmoyante et tous les jurés changent d'avis comme par miracle : putain, c'est beau l'Amérique), avec bons sentiments finaux histoire de vraiment terminer sur une note positive, trop.
Sans doute le roman de John Grisham adapté ici était-il autrement plus développé, complexe qu'ici. Maintenant, c'est du travail de pro, suffisamment bien mené pour qu'on ait envie de suivre l'évolution du procès jusqu'au bout : reste qu'un œil autrement plus subtil sur le sujet aurait pu faire basculer ce « Droit de tuer ? » vers les titres importants des années 90. Pas mal, à défaut d'être bon.