Elephant film nous propose une superbe réédition de ce film qui permet à la fois de le voir, ou le revoir, et surtout de le réévaluer. Le réévaluer car c'est certainement l'un des films les plus mal-aimés de Terence Fisher (du public, de la critique et même du réalisateur), ce qui n'est pas sans raison car, doté d'un budget bien plus conséquent que la moyenne des productions de la Hammer et ambitionnant de passer au-dessus de la simple série B, il fallut faire des concessions et notamment mettre en veilleuse ce qui faisait la spécificité de la maison : le cocktail, explosif pour l'époque, de violence et de sexualité. C'est donc une œuvre bien plus « sage » qu'à son habitude que réalise Terence Fisher : beaucoup moins de violence et surtout pas du tout de sexualité, cette dernière étant remplacée par une romance amoureuse plus que traditionnelle. Les fans de la Hammer furent très déçus. Le revoir dans cette copie splendidement restaurée permet de remettre les pendules à l'heure. Car, s'il n'a certes pas le côté sulfureux attendu, le fantôme de l'opéra est sans doute le film le plus personnel de Terence Fisher qui, vraisemblablement, introduit une subtile analogie entre sa situation de réalisateur et celle du fantôme. Je n'en dirai pas plus et vous en laisse découvrir les raisons dans la passionnante analyse du film de Nicolas Stanzick en bonus. Mais le film aussi regorge de trouvailles, la plus importante étant celle de transformer l'histoire originale et de faire du fantôme un musicien dont la musique a été volée par un confrère sans scrupule, ce qui n'existe absolument pas dans le roman d'origine ni dans les adaptations qui en ont été faites avant le film de Fisher. Par contre, l'idée sera reprise dans pratiquement toutes les adaptations qui suivront, à commencer par celle de Brian de Palma, Phantom of Paradise. L'idée aussi, qui ne manque pas d'humour de transporter l'histoire de Paris à Londres et de choisir un opéra du nom de « Jeanne d'Arc », opéra spécialement inventé pour le film mais musicalement parfaitement crédible. Cela permet aussi un parallèle assez génial : Heather Sears interprète la chanteuse Christine qui dans le film entend la voix du fantôme tout en interprétant Jeanne d'Arc qui, dans l'opéra joué dans le film, entend la voix de Dieu.