Si les postures surréalistes de Luis Bunuel sont par moments obscures, il ne nous échappe pas que la comédie est une satire ironique de la bourgeoisie et de ses alliés de toujours, les corps constitués, dont les uniformes confortent son pouvoir.
Ainsi, à travers ces sketches dont les transitions sont assurées par les passages de témoin entre les personnages, rencontre-t-on tout ce que la société compte de représentants ou d'autorités officiels: gendarmes, soldats, juges...et moines.
Bunuel s'amuse ici à inverser, à prendre à contre-pied, les valeurs qu'incarnent les gardiens de l'ordre, de la morale et du conformisme. Ainsi, les gendarmes sont-il facétieux et et indisciplinés, ainsi les juges libèrent-ils un condamné à mort tandis que des religieux s'adonnent au poker et à l'alcool!
Accessoirement, le cinéaste n'oublie pas de provoquer par l'exposition de pratiques sexuelles relevant des tabous ordinaires: sado-masochisme, inceste, pédophilie. Moments cocasses ou anodins (qui sont pour la plupart concentrés dans la longue et mémorable scène de l'auberge) que seuls les plus puritains trouveront scabreux.
Les personnages de Bunuel, traités sur le mode de la sobriété, n'en demeurent pas moins des figures grotesques engoncées dans la bienséance et la fausse distinction. Toute l'originalité et le talent de Bunuel sont là, dans l'art -discret- de lever les masques.