Hitchcock, contrairement à son habitude, met en scène un fait réel : l'histoire d'un homme convaincu par plusieurs témoignages de sa culpabilité dans des hold-up en série.
L'affaire est minutieusement racontée en s'étendant sur le contexte puis l'enchainement des témoignages. On pourrait presque penser à un documentaire fait par un (bon) journaliste qui aurait refait l'histoire.
Maintenant, connaissant le film par cœur, je ne me laisse plus prendre mais celui qui voit le film pour la première fois peut avoir, légitimement et brièvement, un doute sur l'innocence déclarée de Manny Balestrero, par exemple à cause de son petit jeu théorique d'analyse des courses de chevaux pouvant laisser supposer une double-vie.
Mais le film dissipe vite cette hypothèse. Par contre, beaucoup plus intéressant, le film met en exergue le manque de rigueur dans l'utilisation et la vérification des témoignages, qui sont les seules preuves factuelles présentées par l'accusation au tribunal. Je crains d'ailleurs, au delà du film, que le problème reste toujours actuel et universel (témoin, par exemple l'affaire d'Outreau pour ne citer qu'elle) montrant la difficulté de contrer un témoignage qui peut être complètement subjectif.
Chaque fois que je vois ce film, j'observe le "vrai" coupable que Hitchcock a pris soin de faire jouer par un autre acteur vaguement ressemblant pour ne pas dire moins. C'est dire la fragilité d'un témoignage a posteriori (plusieurs jours ou semaines après), alors que le témoin voit son agresseur en période de stress intense.
Comme d'habitude, Henry Fonda est un acteur formidable mais "Fonda" et "formidable" est, chez moi, un pléonasme car il est capable d'absolument tout jouer (y compris, à contre emploi chez Sergio Leone). Ici, il joue le rôle de l'homme qui s'enfonce dans des sables mouvants tout en restant confiant et en se disant, "il ne faut pas que je m'agite inutilement parce que je risque de m'enfoncer encore un peu plus"... Admirable.
Vera Miles qui tourna plusieurs fois avec Hitchcock est très crédible en femme traumatisée et fragile.
J'ai bien aimé le rôle plein d'empathie et de conviction d'Anthony Quayle, petit coin d'espoir dans ce film somme toute assez noir.