Premier film parlant de Yasujiro Ozu, Le Fils Unique contient déjà bon nombre de traits identifiables de ses grands chefs-d'œuvre des années 50. Le fossé qui sépare les générations et les désillusions qu'il implique, thèmes centraux de sa filmographie, y sont déjà portés par une direction d'acteur unique en son genre. Chez Ozu, les personnages semblent contraints de s'exprimer sous le joug d'une affabilité de façade. La beauté tragique de leurs interactions réside dans le fait qu'il ne s'agit pas d'arrogance mais de la seule manière qu'ils trouvent de ne pas expliciter leur déception. C'est via des regards ou gestes minimes, captés à la faveur de plans de coupe placés avec un timing d'orfèvre, que la réelle teneur de leur ressenti éclate à l'écran. Cette approche démontre qu'Ozu envisage les nouvelles possibilités du son avec une conscience parcimonieuse. Le dialogue n'est pas là pour asséner son message avec plus de facilité : il lui permet à contrario d'affiner cette pudeur du regard si caractéristique, d'une mélancolie déchirante.