Pour peu que l'on fasse preuve d'objectivité, le polar démocrate de Martin Brest et premier Beverly Hills cop écrase la saga de tout son poids subversif. Un flic black de Detroit, en pleine vendetta, enquêtant dans les milieux rupins de Beverly Hills foutait la honte aux wasps friqués des quartiers chics. À cette (fausse) comédie policière, Tony Scott y répondait à rebrousse-poils trois ans plus tard armé d'un western républicain: Foley y roulait en Ferrari au côté d'un admirateur de Stallone (le magnifico réac Billy Rosewood) tout en squattant une luxueuse demeure dans une volonté de croquer à son tour une part du gâteau. Épouser le système pour mieux le retourner à son avantage en quelques sorte. Un butin gagné par la grâce d'une rethorique afro et de quelques moues moqueuses. Malin. Il ne restait alors que des miettes thématiques à John Landis et son parc à thèmes pour s'affirmer dans un troisième volet sans substance un brin divertissant pour peu que l'on aime Murphy et ses moulinets cabotins emplissant le cadre. Les États-Unis socialement "au repos" de Clinton ne pouvaient servir de nouveau tremplin à un Foley désormais exangue d'acidité.
Produit générationnel engendré par le reaganisme, Axel Foley n'existait à l'écran que dans le cadre politiquement incorrect impliquant une friction des classes dissimulée sous une couche d'action et d'humour. Il semblait normal qu'en 2024 et désormais âgé de plus de soixante ans, Murphy passe pour un crouton dans sa panoplie jean/baskets/teddy embourgeoisé depuis vingt ans empochant des cachets de films graisseux. Première bonne nouvelle, l'acteur s'est impliqué comme jamais dans ce dernier volet. "Le film le plus difficile que j'ai pu faire". La mauvaise nouvelle est l'alliance contre nature Netflix/Bruckheimer d'une franchise sympathoche abonnée aux salles aujourd'hui prisonnière d'une plateforme tentaculaire. La déconvenue de ce nouveau mode de visionnage disparaît doucement à mesure que les premiers plans d'un Détroit frisquet naissent à l'écran. Axel Foley au volant de sa vieille guimbarde salue les habitants de sa ville natale. C'est bien l'homme des classes populaires que l'on retrouve le sourire aux lèvres sur "Heat is on" en partance pour une mission. À nouvelle mission, nouveau décor, celui d'une patinoire de hockey sur glace puis s'ensuit une blague racisée et une poursuite en chasse-neige destructrice. L'excédent de vulgarité reprend sa place comme il y a 30 ans... Seulement on ne peut plus lâcher un flic noir en pleine jungle Hillsienne comme auparavant. Et le scénario va s'efforcer de mettre en échec notre héros retors qui de sa condition d'Afro volubile n'a plus le monopole du rire et de la malice. Chaque tentative de Foley va étrangement se solder par une sortie de route. Une nouvelle génération est passée par-là consciente de la théâtralité du personnage et de ses tours de passe-passe verbaux.
L'inspecteur Abbot (Joseph Gordon Levit) sera le premier à discréditer Foley: "Votre blabla ne marche pas sur moi" dit-il allant même jusqu'à le surpasser physiquement lors d'un flinguage d'envergure. Dans cet esprit de déconstruction cher aux sequels tardives, le flic de Detroit se verra plaquer sur un capot par deux fliquettes et dépassé intellectuellement par sa fille, Jane Foley (Taylor Paige jolie) avocate d'un truand et point de départ d'une trame policière classique sur quelques policiers véreux. On y est, les heures de gloire ont passé et il va falloir compter sur un cheptel de jeunes pour redresser la barre. Foley n'est plus le seul moteur de l'intrigue kidnappé entre l'objectif de jongler avec les standards sociaux de son époque et la coolitude des années 80... Le positionnement politique de ce segment évince foncièrement la brise de liberté qui soufflait sur les deux premiers volets. Les "fucks" auront beau affluer, il règne un sentiment d'obligation et de partages entre deux générations de spectateurs venus réclamer leur show muté en schizophrénie galopante.
Ce problème générationnel entre Foley et sa fille évoque bien entendu "La Dernière Croisade" dont le dessein avoué est de boucler deux quêtes: Celle de remettre de l'ordre dans la police et celle plus conservatrice de renouer les liens familiaux. Mais contrairement à la paire Lucas/Spielberg, chaque empoignade alourdit le rythme plombant une enquête policière archi rabattue. Dans cette soif de contenter tout le monde, Kevin Bacon sort un authentique as de son jeu reflétant le seul intérêt du film: La thématique de la série définitivement orientée autour de la réussite et des signes extérieurs de richesse. De son côté, la paire Rosewood & Taggart (essoufflée) quasi périphérique à l'histoire se greffe tant bien que mal dans une mollesse de wagons de marchandises.
Dans cette réunion maladroite, subsiste une élément fondamental: Mark Malloy. Le metteur en scène inconnu au bataillon tire la langue pour rapiécer son canevas effiloché. Son scope fusionnant classicisme classieux et profondeur de champ limpide tire vers le haut ce piège nostalgique détendu comme un élastique de slip kangourou. -Le montage mériterait un chapitre d'arguments pour révéler son échec en terme de tempo- Malloy reste un technicien d'envergure dont on suivra avec attention les futurs travaux pour peu qu'on lui laisse la liberté qu'il mérite. Car si ce Beverly Hills cop tient à peu près la route, c'est grâce à lui.
critique Le Flic de Beverly Hills:
https://www.senscritique.com/film/le_flic_de_beverly_hills/critique/57494549
critique Le flic de Beverly Hills 2
https://www.senscritique.com/film/le_flic_de_beverly_hills_2/critique/56446702
critique Le Flic de Beverly Hills 3
https://www.senscritique.com/film/le_flic_de_beverly_hills_3/critique/57612391