Sa vie ne tient qu'à un fil
C'était les années 70. Les gens faisaient des trucs dingues à l'époque. Porter des pattes d'éph', écouter Emerson Lake & Palmer, voter Giscard, la folie on vous dit. Philippe Petit, lui, son truc, c'était de tendre un câble entre deux points élevés--de préférence sans demander l'autorisation à personne--et de marcher dans les airs. D'abord entre les tours de Notre-Dame, pour se mettre en jambe, puis entre celles du pont de Sydney, pour faire la nique à la police australienne. De toute façon, où qu'il allait, il se faisait arrêter par les flics, ça faisait partie du jeu.
En 1974, il s'est senti prêt à passer aux choses sérieuses. Le World Trade Center venait d'être construit, il était temps de montrer que ces deux gratte-ciel, c'est pour lui qu'on les avait érigés. Après des mois d'entraînement, de repérages, de préparations avec ses complices, l'opération a été lancée. D'abord infiltrer une équipe dans chaque tour, puis trimballer le matériel jusque sur le toit, enfin tendre le câble d'une tour à l'autre, le tout en déjouant la surveillance des vigiles. Et puis Philippe a posé le pied sur le câble, et le temps s'est figé.
Il aurait pu suivre plein d'autres voies, Philippe. Avec son charisme, son talent de séducteur et son goût pour l'illégalité, on l'aurait aussi bien vu en braqueur de banques façon Dillinger, gourou illuminé façon Charles Manson, voire même terroriste comme un autre type qui avait lui aussi une fascination pour le World Trade Center. Mais lui, il a décidé d'utiliser ses dons pour mettre un peu de beauté dans ce monde de brutes.
Quand les Twin Towers ont connu la fin que l'on sait, le magazine américain The New Yorker a représenté sur sa couverture Philippe Petit, marchant dans le ciel entre deux tours qui ne sont plus là.
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