André Cayatte fut un temps journaliste puis avocat dans les années 30. Il se tourne alors vers le cinéma avec l'objectif d'éclairer l'opinion publique sur certains sujets de société comme la peine de mort, le fonctionnement et les rouages de la justice mais aussi des sujets d'actualité (comme l'affaire Gabrielle Russier).


Dans "le glaive et la balance", le sujet relaté est une espèce de cas d'école. Que se passe-t-il si l'instruction puis le procès ne parviennent pas à dégager les preuves factuelles de culpabilité pour conduire à une condamnation ? En démocratie et dans la conception de la justice en France, le doute doit bénéficier à l'accusé en dépit de "l'intime conviction".
Dans le cas présent, en faisant court et sans (trop vouloir) spoiler le film, deux individus sont vus s'enfuir après avoir commis deux crimes et se réfugient dans un bâtiment isolé. A l'arrivée de la police, ce sont trois individus qui ne se connaissent pas qui se livrent à la police ; comment trouver les deux coupables parmi les trois ?
Rien n'y fait pour "départager" ou "trier" les protagonistes. L'enquête de police sur les antécédents montrent que les trois personnes sont aussi ignobles et peu recommandables les unes que les autres.
Alors, trois condamnations à mort, deux par tirage au sort (*) ou trois acquittements ?
Mais quels sont les risques - sociétaux - d'un triple acquittement alors que la presse et la foule se déchainent contre les prévenus ?
Bien malin le spectateur qui sortira du film avec une "intime conviction". C'est un peu le coup de génie de ce satané Cayatte de bien définir ce qu'on entend par intime conviction et surtout, d'en tracer les limites.
Le film est très bien structuré en décrivant d'abord les trois "futurs" accusés dans leur milieu actuel, puis en parallèle la logique du crime sans qu'il soit dit qu'ils y soient pour quelque chose.
Dans un deuxième temps, on voit l'instruction avec les trois enquêtes de police sur les antécédents.
Le procès n'est pratiquement décrit qu'à travers la délibération du jury (c'est suffisant puisque le spectateur a déjà toutes les données en main) jusqu'à l'énoncé de la sentence.


Côté casting, on a affaire à des acteurs principaux ou seconds rôles de très grande classe.
Les trois futurs "accusés" sont interprétés par Anthony Perkins dans le rôle d'un artiste peintre américain plutôt minable, paresseux et veule, par Jean-Claude Brialy en agent immobilier plutôt pourri et cynique tendance mac et par Renato Salvatori en moniteur de sport, bel éphèbe et qui vit au crochet d'une riche femme (de l'âge d'au moins sa mère) ...
Face à ces trois intéressants personnages, Fernand Ledoux en juge d'instruction, Jacques Monod en commissaire de police,
Et une floppée de seconds rôles assez typiques comme Marcel Pérès en juré paysan, Maurice Chevit, Bernard Musson, Jacques Marin, Charles Blavette et le pagnolesque Henri Vilbert en juré très beauf.


Le film se passe sur la Riviera à proximité d'Antibes au moment du festival de jazz, ce qui donne une ambiance et une musique très jazzy au film.


En conclusion, le film de Cayatte est intéressant par le sujet évoqué et par sa réalisation savamment montée dont on ne devine pas facilement les développements du scénario qui ménagent un certain suspense. Il y a juste une petite tonalité "Nouvelle vague" un peu agaçante et un peu surfaite mais ce n'est pas franchement gênant.


(*) cette possibilité n'est quand même pas clairement envisagée, c'est plutôt moi qui pousse un peu le raisonnement

JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films noirs, Films d'André Cayatte et Les meilleurs films de 1963

Créée

le 29 janv. 2022

Critique lue 262 fois

8 j'aime

6 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 262 fois

8
6

D'autres avis sur Le glaive et la balance

Le glaive et la balance
Eric31
8

Critique de Le glaive et la balance par Eric31

Le Glaive et la Balance est un très bon drame judiciaire franco-italien réalisé par André Cayatte, coécrit par Charles Spaak sur des très bon dialogues signé par Henri Jeanson qui met en scéne...

le 17 nov. 2015

4 j'aime

Le glaive et la balance
AMCHI
6

La justice doit trancher

Le glaive et la balance est plutôt un bon film mais pas un grand moment de cinéma, ce film d'André Cayatte possède un sacré casting car entre le jeune trio de tête composé du français Brialy, de...

le 1 oct. 2020

3 j'aime

4

Le glaive et la balance
Felix-the-cat
10

Le meilleur film d'André Cayatte

Le glaive et la balance concentre tous les thèmes qui obsèdent Cayatte depuis Justice est faite. Sauf que cette fois, l'exercice est plus formel que jamais. Sur un postulat on ne peut plus théorique...

le 5 mai 2024

Du même critique

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

25 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

24 j'aime

5

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19