Si la réalisation est caractéristique du formalisme d'Ozu, avec ses plans fixes et ses cadrages géométriques, le film propose plus de scènes en extérieurs et même de mouvement: une balade en voiture dans les rues de Tokyo en ouverture (où l'on découvre que les femmes japonaises ne sont pas insensibles à la beauté de Jean Marais!), un voyage en train, un avion qui décolle ou une course cycliste dans un vélodrome. De fait, la comédie sociale d'Ozu apparait plus dynamique qu'à l'habitude, du moins concernant ses films d'après-guerre, les seuls que je connaisse.
Dans ce film qui a longtemps le ton de la comédie de moeurs, en dépit des thèmes sérieux qu'il aborde, le cinéaste place au coeur du sujet le couple bourgeois des Sakate, couple dans l'ennui et sans amour -résultat probable d'un mariage arrangé dans la tradition japonaise. Monsieur s'est fait une raison, pas madame qui méprise la rusticité de son mari et revendique sa liberté. Ce sont deux personnages simples, comme souvent dans le cinéma d'Ozu, qui sont d'autant plus attachants qu'une certaine mélancolie gagne le récit. Y affleurent les sujets récurrents du cinéaste: un rappel pudique de la guerre encore présente dans les esprits, le refus -voire la rebellion- des jeunes filles, incarnations d'un mode toujours plus occidentalisé, du mariage forcé, la solitude qui est une obsession chez Ozu, cette solitude qui pourrait être celle du couple Sakate s'il venait à se séparer.
Le charme du cinéma d'Ozu opère plus que jamais, celui attaché à la culture japonaise...et celui de ses actrices séduisantes.