Il suffit d'enchaîner les noms sur l'affiche. Le cinéma français a prouvé qu'une distribution de premier ordre n'était pas forcément signe de qualité mais encore une fois, on a comme une envie irrésistible d'y aller. Comment résister ? Prendre son élan et se jeter à l'eau.
Oui, le panneau est pourtant clair et limpide : "Interdit de courir au bord de la piscine". Oui, mais le maître nageur regarde ailleurs. C'est le moment. Tant pis pour ce qui pourrait arriver. La glissade malencontreuse est un risque à prendre pour ce plongeon non homologué dans Le grand bain.
Gilles Lellouche dont c'est la première réalisation en solo pour un long-métrage, filme avec une alternance de lourdeur et de légèreté, une bande de dépressifs quadragénaires aux prises avec leur existence et une piscine. Réunis pour former une équipe de natation synchronisée masculine, discipline évidemment sujette à de bons gros préjugés et où la comédie peut trouver un terrain de jeu intéressant, nos sportifs à première vue disgracieux vont tenter de donner, sous l'eau, un second souffle à leur vie.
Si on pense directement à The Full Monty pour le pitch et l'histoire, Le grand bain s'en éloigne en ne concentrant pas tous ses efforts sur la critique sociale d'une tranche de la population. Gilles Lellouche privilégie ici la déroute existentielle d'un groupe de personnes de tout âge et de toute classe sociale. Chacun à sa façon voit son quotidien lesté de problèmes et ce qui au début pourrait s'apparenter à une parenthèse enchantée dans leur quotidien n'est en fait qu'un sas de décompression thérapeutique où le vestiaire et tout aussi important que l'entraînement lui même.
Chaque personnage est écrit avec justesse, même ceux moins développés, faire-valoir humoristiques nécessaires au ton du film. Si de façon isolée, dans leurs déboires, on trouve une amertume sous tendue par le jeu de la comédie indissociable d'un Philippe Katerine lunaire ou d'un Poelvoorde tragi-comique, on aurait peut-être aimé un peu plus de nuances dans la composition de cette équipe ou indirectement, le raccourci entre mal-être et natation synchronisée se fait, jusque dans le vécu de leur entraîneurs. La détresse cumulée de ce groupe d'inadaptés donne parfois le sentiment de trop plein même si, comme on s'y attend, tout cela va servir un final assez touchant.
Alors que le film navigue perpétuellement entre un quotidien plombant si on l'extrait de son contexte cinématographique, et l'atteinte d'un objectif "bigger than life" allant bien au delà du seul accomplissement personnel, on regrette finalement le côté un peu trop en apothéose d'un film qui aurait tout autant gagné à ne gratifier que le chemin parcouru plutôt que le résultat.
Le Grand Bain est donc un films-je-me-sens-bien, mené par ses comédiens dans des rôles quelque peu clichés, calibrés pour fonctionner mais très attachants. Un film à l'émotion facile certes mais qui nous permet de passer un agréable moment.