Fête du cinéma 2012, acte I : Et pour ta chimio, je te conseille la coccinelle !
Du duo grolandais Benoît Delépine et Gustave Kervern, je ne connaissais aucun de leurs films pas même le fameux « Mammuth » emmené par Gérard Depardieu qui m'a pourtant toujours attiré. Or, je dois bien avouer qu'après « Le Grand Soir », je vais me plonger dans l'intégralité de leur œuvre avec un plaisir non dissimulé.
Présenté à Cannes dans la sélection « Un certain regard », le film trace le destin de Not, le « plus vieux punk à chien d'Europe » (Benoît Poelvoorde) et de son demi-frère (Albert Dupontel), Jean-Pierre, commercial dans la literie à qui tout échappe (sa femme, son enfant, son boulot). Les deux réalisateurs livrent alors une sorte de road-movie bien français où la route 66 et les escapades en Californie sont remplacées par les parkings d'une zone commerciale difficile à situer au premier coup d'œil. Chaque spectateur qui verra ce film aura l'impression que le tournage s'est effectué dans la zone commerciale à côté de chez lui.
La force du film est d'insérer dans cet environnement somme toute assez banal toute la folie grolandaise. Le contraste entre les deux fonctionne à merveille. Et si Groland a toujours su être assez profond dans son propos malgré sa superficialité vulgaire et parfois idiote, Delépine et Kervern gardent ce côté sérieux sans être trop transgressifs. Il faut dire que leur critique de la société est tout à fait louable et justifiée. La quête de la liberté et le rejet de la société de consommation sont au cœur du film et trouvent leur aboutissement dans ce « Grand Soir » voulu par les deux demi-frères, deux communistes du XXIe siècle esseulés mais remplis d'un idéal inaliénable.
Pour autant, le film garde un aspect comique sur toute la durée du film. Et il faut bien dire que rarement j'ai ri autant au cinéma. Pas un temps mort. Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Brigitte Fontaine ou les deux réalisateurs-scénaristes font mouche tour à tour. On rit des facéties de Not devant les caméras de surveillances des magasins ou devant le restaurant. On pouffe quand il mendie que ce soit une vieille dame dans le magasin, que ce soit quand il insulte des passants ou quand il s'immisce dans une voiture pour obtenir des croquettes et des yaourts. On s'esclaffe quand Jean-Pierre, renommé Dead, subit son initiation à l'esprit punk. Enfin, on éclate de rire devant les réflexions inabouties de Brigitte Fontaine. On n'oubliera pas les apparitions des Wampas et de Gérard Depardieu en Madame Irma qui font aussi leur petit effet.
Tel le pendu qui trouva une manière plus excentrique, sur les conseils de Not et Dead, de quitter le monde des vivants, Delépine et Kervern viennent de déverser un grand verre d'originalité dans le sceau sclérosé du cinéma français. Humour et satire sont au rendez-vous de ce très grand film. Je l'attendais, il est arrivé et en plus il est français, voici le premier chef d'œuvre de l'année 2012.