Cette équation m'est apparue comme évidente à la fin des deux heures trois quarts que dure le film. Car oui, j'ose l'affirmer : le dragon est sacrément plus cool que l'elfe moisie aux histoires d'amour à la mors-moi-le-nœud. Lilly nous avait déjà brisé tout ce qui était possible de briser dans son personnage au charisme d'hélice prénommé Kate dans Lost. On pensait enfin être à l'abri d'une récidive, surtout dans un lieu aussi reculé que la Terre du Milieu.
Et non. Jackson, gavé jusqu'au bout de ses influences spielbergiennes, choisit d'en faire une simili-héroïne. Avant d'aller voir cet opus, beaucoup de retours peu avares en critiques sur le personnage de Lilly étaient parvenu à mes complaisantes oreilles. 'Impossible, Peter ne ferait jamais ça à la saga, SA saga !'. Hélas pour moi, et pour tous les fans de la série, on a en effet droit à la fameuse histoire d'amour cramée d'office. Un elfe (Légolas en plus, bordel) et un nain (le moins laid d'entre eux, à défaut du plus beau) tombent des nues pour elle. Et là c'est comme dans toutes les plus belles tragédies : Légolas ne peut pas à cause de son statut de fils du roi, alors que la race oppose sans concessions le nain et la belle. Aaah, les larmes me viendraient presque devant tant de beauté et d'habileté scénaristique...

Outre cette catastrophe, le film reste assez moyen. Le premier avait pour lui d'être 'frais' : on posait les bases d'une nouvelle trilogie, avec des personnages fringuants et pour ainsi dire attachants. Le point essentiel résidait dans le fait de proposer une alternative à l'épopée dantesque du Seigneur des Anneaux en s'attachant à suivre les déambulations d'une cohorte de nains, dans leur aventure presque anonyme et tenant plus du conte que de la page historique. La Désolation de Smaug est très vexant sur ce coup-là. Certes les péripéties des nains sont toujours aussi drôles (ou alors un peu moins, mais ça reste cool), mais tellement de choses viennent parasiter cette belle et simple odyssée. Les épisodes de Gandalf à Dol Guldur, les orques immondes, la mièvre satyre socio-politique de la ville finale... autant d'éléments qui sont là en vain. Même Ian McKellen ne semble pas y croire, si bien qu'il se fait quand même bien avoir... Mes voisines de séance, qui n'avaient l'air de rien y connaitre à l'univers de Tolkien, résument à merveille le sentiment que l'on peut avoir devant ce passage du coq à l'âne : "mais on s'en fout de lui !" (entendez par là Gandalf, dont les aventures n'ont rien de captivant).

Bon, malgré tout, il n'y a pas que du mauvais dans ce film. Je suis très réceptif à tout ce qui touche au Seigneur des Anneaux (#geek) et le fait de mettre ce 5/10 m'a presque fait pleurer. Donc du coup je préfère garder en mémoire les bonnes choses : c'est beau. Quand Martin Freeman sort sa tête de la forêt pour voir où est le soleil, c'est magnifique (on a l'impression de prendre un viol visuel devant tant de fonds verts mais c'est pas grave). Les caves de la Montagne Solitaire sont impressionnantes de grandeur. Et que dire du dragon ! J'y reviendrai par la suite. Bizarrement, ce qui manque au film, et à cette trilogie en général, c'est cet aspect blockbuster-contemplatif assumé. Dans Le Seigneur des Anneaux, on était absorbé par ces immenses espaces néo-zélandais. Là, Howard Shore se contente juste de mettre la musique à fond (Steven, si tu nous écoutes...) pendant que la compagnie de nains se contente de courir sommairement, avant d'être coupée...

Je veux finir cette critique par la meilleure scène du film, mais qui vaut certainement le coup : la rencontre entre Bilbo et Smaug. Alors déjà, on a Martin Freeman : acteur bien drôle et décidément taillé pour ce rôle. La moindre de ses mimiques fait mouche, et ce durant tout le film. Donc quand Bilbo, maladroit et froussard par excellence, décide de s’aventurer dans l’antre du dragon, ça promet de belles choses. Et on n’est pas déçu. Sans rentrer dans les détails, c’est le seul moment du film que j’ai vraiment apprécié à sa juste valeur. Et puis ce dragon !... Smaug en impose. Il est géant, il crache du feu, il vole, il dort sous de l’or… Bon oui c’est un dragon normal en fait mais bordel, quelle classe ! La métamorphose de Benedict Cumberbatch est réussie en tout point. C’est grandiose, et en plus il parle avec aisance et panache.
Je vais arrêter là les superlatifs pour cette scène, qui les mérite pourtant tous. J’ai en revanche moins apprécié la suite des événements. Jackson fait du dragon le Dieu de son film : tout puissant, omniscient, charismatique ; et tout ça pour le faire jouer au jeu du chat et de la souris avec les nains et Bilbo… Je veux bien qu’il soit un peu paresseux et ait envie de jouer après des années passées à dormir et à compter ses pièces d’or, mais avec deux coups de lance-flammes, il aurait pu les incinérer huit fois. Et si en plus il se fait avoir par de vieux pièges grillés d’avance… Sans spoiler, ça m’a un peu énervé de voir Jackson jouer la montre pour un gramme de suspens aussitôt oublié par la suite. Par politesse, je ne dirai pas grand-chose du « Qu’avons-nous fait ?! » final…

Au final, même si je suis globalement déçu de ce second épisode, j’irai voir avec une impatience non-feinte la conclusion de cette trilogie à rallonge, en attendant de voir ce que le côté obscur de Peter Jackson nous réservera…

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le 15 déc. 2013

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Pariston

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