D'entrée, le film nous prévient : ce qui n'a pas été consigné peut faire l'objet de toutes les spéculations. Si Le Jeu de la reine se base sur une réalité historique, il ne faut pas y chercher un film qui se veut exact mais qui cherche plutôt à imaginer une ambiance dans une époque donnée, à décrire plus émotionnellement que rationnellement les relations entre ces figures historiques que sont Henri VIII et Catherine Parr. Peu d'œuvres de fiction se sont concentrées exclusivement sur la dernière reine du tyrannique Henri VIII, ce qui en fait déjà un sujet intéressant.
Le film présente donc une relecture de la régence de Catherine et des dernières semaines du règne d'Henri VIII, majoritairement de son point de vue à elle. On explore en cela le rôle qu'elle a joué à une échelle plus intime aussi bien dans les affaires du Royaume, la religion, sa relation avec beaux-enfants et les inévitables intrigues de cours. Je comprends qu'on puisse rejeter la grande liberté prise par le réalisateur, bien que ce dernier étant été honnête dès le début du film, j'ai trouvé sa démarche plutôt sincère.
Pour moi Le Jeu de la reine a pour intérêt de vraiment nous immerger dans une ambiance lourde et pesante, porté par les prestations magnétiques d’Alicia Vikander et Jude Law. Alicia Vikander peut déployer tout son talent avec une palette de ses émotions très variée, qui peut aller d'une grande détresse à une grande force de caractère, et je trouve que Karim Aïnouz réussi à dépeindre une figure moderne mais pas anachronique. De son côté Jude Law s'offre un rôle à contre-pied de ce à quoi on peut être habitué. Il laisse complètement de côté le charme qui lui est caractéristique pour donner corps à un homme malade, cholérique, paranoïaque et aigri. Je n’oublie pas non plus Eddie Marsan, pilier solide sur lequel le film peut compter.
J'ai aussi apprécié le travail réalisé sur les costumes du film, qui sont magnifiques, et sur l'utilisation intelligente de la lumière et des décors malgré de toute évidence un budget limité. On peut ne pas apprécier la photographie un peu terne du film mais pour ma part j'ai trouvé qu’elle renforçait cette ambiance intimiste marquée par la maladie et la terreur.
La fin du film manque un peu de finesse, que ce soit dans la mort du roi ou dans le regard camera d’Élisabeth et la description associée au règne de la future Reine d'Angleterre. Mais de manière assez globale j'ai trouvé que la proposition de relecture de Karim Aïnouz était assez captivante. Elle ne démérite pas face à d'autres œuvres de fiction qui se vantent d'être historiques alors qu'elles prennent inévitablement des libertés.