La radicalisation est certainement l'un des phénomènes les plus préoccupants et complexes de notre société contemporaine. Historiens, sociologues, analystes politiques et artistes se sont emparés du sujet pour tenter de le décrypter. A leur tour, les frères Dardenne s'attaquent à ce thème sans toutefois tomber dans le piège d'une démonstration lourde et académique des racines sociologiques de cette énigme.
Au-lieu de cela, les réalisateurs belges collent au plus près de la réalité du protagoniste de leur film, le jeune (13 ans) Ahmed, déjà animé d'une foi inébranlable et pourtant totalement faussée au moment où débute le film. Sous les regards remplis de désarroi et de détresse de sa famille et de ses proches, Ahmed est plongé dans une pratique absolue, totale de sa religion, n'acceptant aucun compromis et suivant une lecture viciée du Coran, sous l'influence d'un imam extrémiste.
Deux forces vont dès lors parcourir le film, créant une tension continue. D'une part, la force inébranlable du jeune Ahmed, dont la calme détermination contraste terriblement avec ses motivations mortifères. D'autre part, les efforts bienveillants mais parfois déconnectés déployés par sa famille et le système socio-éducatif et judiciaire pour tenter de sauver cet enfant, encore en construction.
Le film aurait été d'autant plus puissant s'il avait conservé cette ambivalence jusqu'à son dénouement dont la résolution est impromptue et manque indéniablement de subtilité. Le jeune Ahmed n'en demeure pas moins un film au scénario d'une grande intelligence, servi par une mise en scène, primée à Cannes, qui évite tout traitement mélodramatique pour s'en tenir à une dure réalité, rendue dans toute son ambiguïté et sa complexité.