Si Claude Autant-Lara pouvait toucher l'excellence, voire se permettre de réaliser un des plus grands films français de l'Histoire (oui, je pense à toi, ô mythique Traversée de Paris !), il pouvait aussi patauger dans la médiocrité la plus désespérante, y compris à partir de grands auteurs comme Stendhal ou Colette.
Et avec un autre grand, mais cette fois extérieur à la France, Dostoïevski, le cinéaste a réussi à renouveler cet "exploit".
Décors d'une pauvreté affligeante (ils ont eu une grosse promo sur le papier peint pour utiliser le même partout ?), personnages schématiques, dont on ne sent rien de leur intériorité, loin de la puissance et de la complexité de ceux de l'écrivain russe (il suffit de voir les scènes de roulette, particulièrement anxiogènes et fiévreuses dans l'œuvre littéraire adaptée, qui ne provoquent rien ici, filmées sans investissement, sans émotion, platement !).
Bernard Blier (oui, l'habituellement brillant Bernard Blier !) et Françoise Rosay (oui, l'habituellement brillante Françoise Rosay !) qui cabotinent affreusement (c'est un véritable concours de qui en fera le plus de tonnes !), Gérard Philipe et Liselotte Pulver qui ne peuvent faire grand-chose, car ils n'ont rien de solide à défendre. On n'y croit pas un seul instant. Résultat, à la place de l'intensité du livre, on a l'ennui. Et ce n'est pas le fait de nous ressortir une citation totalement hors de propos de l'auteur de Crime et Châtiment, lors de la scène finale, qui va relever le niveau.
Bref, ne perdez pas de temps avec ce ratage complet, lisez plutôt le roman original, ou si vous voulez absolument voir une œuvre cinématographique tirée de ce dernier, je vous recommande le nettement plus réussi The Great Sinner de Robert Siodmak, avec une mise en scène hautement plus soignée, une distribution largement plus talentueuse, sachant ce qu'ils jouent et comment le jouer, et des personnages beaucoup plus intéressants.