On a beau dire, la petite guerre entre amateurs de cinéma de genre et défenseurs du cinéma d'auteur (aussi appelés geek et élitistes, histoire d'appuyer le cliché) nous occupe tellement qu'on en oublie de regarder les évolutions du territoire sur lequel on se livre bataille. Régulièrement, quelques coups d'éclats viennent pulvériser la frontière des deux clans, et ce de façon simple : en équilibrant le fond et la forme, en considérant qu'un dialogue ne doit pas être une fin en soi, et l'image, une enluminure qui pallierait au manque d'idées du scénario. Celui d'Amandine Taffin n'est pas des plus originaux mais il est d'une honnêteté sans faille envers son public. Tous ses publics.
Le Jour des Corneilles est de ces films calmes et charmants qui, à force d'équilibre entre ses divers éléments, touche à une harmonie qui replonge direct en enfance, époque où l'envie de croire à une histoire prévalait cent fois sur une nécessaire suspension d'incrédulité. Malgré un court passage où le recours au merveilleux mue en facilité d'écriture (lors dudit "jour des corneilles", justement), difficile de résister au talent évident qui parcourt l'oeuvre. Sous couvert d'un conte où un petit garçon venu de la forêt découvre une civilisation qu'on lui a toujours cachée, Le Jour des corneilles est en fait une version espiègle et animiste de l'histoire vraie de Victor de l'Aveyron. Un film et un récit bien de chez nous donc, et dont l'écrin graphique est une déclaration d'amour à l'Impressionnisme.
Certes, on est loin de la force d'un Miyazaki (encore que le final, merveilleusement touchant, lui fasse largement honneur), mais Le Jour des Corneilles demeure de bout en bout un joli conte dont la simplicité fait toute la noblesse. Entre ça, Une vie de chat ou encore le génial Ernest & Célestine, on peut dire que l'animation francophone a vraiment de quoi la ramener.