Inspiré du livre autobiographique éponyme de Jordan Belfort, Le loup de Wolf Street n'est pas si éloigné des films dits mafieux de Scorsese à ceci près que les billets ont remplacé les flingues.
Le film raconte comment Jordan Belfort, un jeune courtier aux dents longues, va gravir les échelons de la Bourse jusqu'à détenir sa propre société de courtage, et s'enrichir incroyablement grâce à diverses magouilles et avec force putes et drogues.
Évidemment, on peut penser à Wolf Street dans la comparaison avec le personnage de Gordon Gekko, interprété par Michael Douglas, dans le côté arriviste et manipulateur pour arriver à ses fins. D'ailleurs, le film et le personnage y sont cités comme une sorte de modèle. Mais Scorsese fait plutôt le choix de dénoncer le mode de vie dépravé de Jordan Belfort en montrant sa chute de plus en plus brutale au fur et à mesure qu'il s'enrichit.
D'ailleurs, le film brise une sorte de quatrième mur quand le personnage de Belfort commence à nous expliquer sa magouille pour s'engraisser, puis s'arrête de parler face caméra en prétextant que ce qu'il dit doit être barbant pour nous !
Bien que durant 3 heures, le film file à toute vitesse, et il faut saluer encore une fois le talent de Thelma Schoonmaker dans ce montage frénétique, à l'image de la vie de Belfort.
Bien évidemment, comment ne pas parler du film sans parler de son acteur principal, Leonardo DiCaprio ? On lui a souvent reproché de s'enfermer dans des rôles dramatiques, mais ici, il nous prouve également qu'il peut être très drôle. Sa performance, où il est présent à l'écran 99 % du temps, est fantastique, à la fois suave, mais aussi dégénérée, montrant l'acteur comme on ne l'a jamais vu, vociférant, grimaçant et hurlant à tout va comme un excitant. Pour moi, DiCaprio est sans doute le meilleur acteur américain actuel, car il donne l'impression de savoir tout faire. L'Oscar tant attendu peut-il encore lui échapper ?
Il faut aussi parler de Matthew McConaughey (quant à lui le plus gros come back de ces dernières années), qui incarne un rôle secondaire, assez bref, mais capital, du mentor de Belfort au moment où celui-ci rentre dans la finance. Apparaissant amaigri (il se préparait à son rôle pour Dallas Buyer Club), il est celui qui, en gros, va mettre le pied à l'étrier à Belfort dans ce monde de sexe et de fric, au point que ce dernier en respectera scrupuleusement les règles durant tout le film. Il suffit de dix minutes à l'écran pour s'apercevoir à quel point McConaughey est devenu incroyable de talent.
On trouve aussi Jonah Hill en pote de Belfort, Jean Dujardin en banquier suisse (son rôle est secondaire, mais déterminant pour la fin de l'histoire), Rob Reiner (qui joue le père), Jon Favreau (l'avocat), et la très belle Margot Robbie (l'épouse). Je parlerais un peu plus loin de l'excellent Kyle Chandler, car son rôle est très important.
Évidemment, il faut aimer DiCaprio et être sensible à la frénésie car ça n'arrête quasiment jamais ; quand ce ne sont pas des orgies, ce sont des rails de cokes sniffés, ou des soirées mémorables, où des scènes de ménage se mêlent à des moments de liesse (les speechs de Belfort devant ses courtiers), et une scène mémorable, sur plusieurs minutes, où Belfort et ses associés parlent ... de lancer de nains !
Il faut dire que le film est extrêmement cru, avec moultes femmes nues, des hommes à poil (y compris DiCaprio), et une quantité phénoménale de "fuck". La production indépendante, loin des Majors, a sans doute pu permettre ceci.
Pour moi, c'est un film qui m'a totalement emballé, à la fois très drôle, et qui tire aussi vers le pathétique. On voit aussi le talent d'écriture de Terrence Winter (Les Sopranos), notamment dans cette scène formidable sur le yacht où les agents du FBI, alertés par les dérives de Belfort, vont le questionner, et ce dernier va tenter de les retourner à son avantage avec une pointe de corruption à la clef.
Je ne parlerais pas de la scène déjà culte de la drogue à retardement (où DiCaprio se montre prodigieux) pour ne pas gâcher la surprise, mais Le loup de Wolf Street est un film extrêmement foisonnant, très riche dans son propos, et qui trouve une conclusion assez ironique, voire pathétique, dans les deux fins, qui sont le contre champ de l'univers érigé par Belfort ; sexe, drogue et pognon !
Depuis Casino, Scorsese n'avait peut-être pas réussi un aussi grand film et prouve qu'un "vieux" monsieur de 72 ans peut ridiculiser des confrères plus jeunes que lui, de par sa vitalité et sa fraicheur d'esprit.