Martin Scorsese s'attaque à l'ascension et la chute de Jordan Belfort, un escroc financier aussi dépravé qu'abject. Bien loin du classicisme d'un "Wall Street", je retrouve avec un immense plaisir le Scorsese des grands jours, celui de "Goodfellas" et "Casino".
Scénario au rythme effréné et à la myriade de personnages et de sous-intrigues. Voix-off entraînante, avec à l'occasion rupture du 4ème mur. Dialogues très fleuris. BO riche en chansons en tous genres. Réalisation inventive et ultra-dynamique. Et un montage aux petits oignons, par la sempiternelle Thelma Schoonmaker (veuve de Michael Powell et collaboratrice de longue date du cinéaste).
Nombreux sont les ingrédients communs. A ceci près que la violence physique et les mafieux sont remplacés par du sexe graphique (rare dans le cinéma US !) et des traders arrivistes et décadents.
Mais on est loin d'un décalque. L'humour décapant est permanent, tandis les personnages valent leur pesant de cacahuètes, rendant le film totalement jouissif. DiCaprio est déchaîné en trader égocentrique, porc capitaliste exubérant qui se vautre en permanence dans la drogue et le sexe. Tout en méprisant les porteurs particuliers qu'il arnaque bien volontiers.
Face à lui, des associés tout aussi pervers, notamment un Jonah Hill dont le personnage admirablement vulgaire rappelle par moment les interprétations célèbres de Joe Pesci. Citons également Matthew McConaughey dans un rôle court mais jouissif, qui donne son sens au film et au protagoniste. Ou divers réalisateurs venus jouer un petit rôle.
Et bien sûr Margot Robbie. Même si son personnage est relativement secondaire, l'actrice australienne (qui a pris l'accent de Brooklynn pour l'occasion) n'a pas froid aux yeux et livre quelques scènes mémorables ! Un rôle qui lui constituera une sacrée rampe de lancement pour sa carrière.
Inexplicablement, certains ont vu dans cette orgie de débauches une ode à ce protagoniste et ce mode de vie (!). Le portrait pas très flatteur des autorités ringardes jouant la carte de l'ambiguïté.
Néanmoins pour moi il n'y a aucun doute, "The Wolf of Wall Street" donne un grand coup de pied dans la fourmilière du rêve américain. Et surtout dans le système financier, exploitant les plus faibles au profit de gros tarés. Tout comme dans ses films de gangsters, le réalisateur montre qu'un personnage qui bafoue en permanence la morale, la loi, et le bon goût, finit par voir son monde se retourner contre lui.
Même si l'on peut imaginer que Scorsese, lui-même ancien camé, a du être particulièrement à l'aise avec les (nombreuses) séquences où les personnages sont sous l'effet de drogues en tous genres !