Ce film je l'ai attendu, comme beaucoup de monde, énormément de monde même, parce que Scorsese c'est sacré, DiCaprio c'est enthousiasmant et que voir Scorsese se décider à peindre une fresque humaine et malsaine sur un monde déconnecté des réalités des petites gens avec un des acteurs majeurs de notre époque en tête de gondole, ça renvoi forcément à certaines de ses œuvres du passé qui ont marqué leur temps.
« Le Loup de Wall street » c'est le fruit de la rencontre entre ce qu'il faut de comédie, sans que cela ne soit ni le fond, ni le but du film et le drame d'un accomplissement de soi condamné à se transformer en descente aux enfers par sa propre existence. L'histoire d'un homme qui se fiche pas mal de ce qui arrivera aux gens qui lui font confiance juste dans le but d'amasser le plus d'argent possible, jusqu'à ne plus savoir quoi en faire si ce n'est à continuer d'accumuler et mener la plus belle vie possible. Costumes, montres, bijoux, voitures, maisons, petit personnel, cadeaux extravagants, rien n'est trop beau, rien n'est jamais suffisant, seul l'argent compte car avec lui on peut tout faire ou presque
L'incroyable capacité de ce réalisateur a toujours résidé dans sa capacité à nous faire éprouver de l'empathie, voir à aimer, des êtres détestables, profondément ancrés dans des mondes plein de noirceur et de vices, qui nous écraseraient à la première occasion. Du haut de son building, Jordan Belfort, est l'un de ses hommes, qui ne se laissera jamais contraindre à quoi que ce soit et prêt à tout pour en obtenir toujours plus, quitte à ruiner des millions d’honnêtes gens pour son simple profit. Un homme qui a décidé d'avoir pour credo la formation d'autres hommes comme lui, avide d'argent et des plaisir qu'il offre, prêt à vendre père et mère pour réussir et obtenir toujours plus afin de se servir d'eux pour encore agrandir son empire.
La débauche générale qui régule le film ne prendra jamais fin, « toujours plus » sera la maxime qui dictera le rythme de l’œuvre et la conduite de ses personnages en quête de sensations fortes qui iront même jusqu'à se demander si la drogue qu'ils ont ingurgité ne fait pas effet parce qu'ils en aurait trop pris. Comme si c'était devenu une part d'eux même. Plus de putes, plus de drogues, plus d'argent et hors de question de changer, si quelqu'un veut les faire tomber il devra travailler plus dur et plus longtemps qu'eux pour les déloger de leur sommet si durement acquis.
À mourir de rire à certains moment, le tout se renouvelle sans cesse et sans jamais juger, ni prend en grippe ce qu'il dépeint, Scorsese dépeint également l'enfer qui règne en coulisse. On a cet homme qui très rapidement va passer de la fortune acquise, au mariage (avec celle qui servait de pute à pipes à toute la boite) puis au suicide. Les agences de contrôle et le FBI qui mettent constamment la pression et guette la moindre erreur, vous oppressant et vous obligeant à être toujours sur le qui-vive. Et bien sur l'omniprésence de la drogue, qui devient rapidement un mode de vie puis une nécessité, qui vous change et vous fait peu à peu perdre le statut d'homme civilisé pour celui d'animal. Un cycle infernal de débauche et de sexe duquel il est presque impossible de ressortir après tant d'années et qui vous pousse prématurément à votre fin car il est impossible à conjuguer avec la clarté ainsi que la présence d'esprit nécessaire à votre maintient à flot.
Sorte de Scarface des temps modernes, Jordan Belfort, surexcité hyperactif du monde des affaires et de la finance n'acceptera jamais son rôle auto-attribué de criminel et se laissera pousser du précipice par son addiction qui lui fera tout perdre. Pourtant, le message servi par le film est d'un pessimisme confondant pour les honnêtes travailleurs, à l'image de cet agent du FBI qui ne gagnera jamais rien à « détruire » cet homme qui aura, durant des années, violer toutes les lois de la disciplines, ruinant au passage des tas d'inconnus qui se retrouveront démunis, si ce n'est de retrouver chaque soir son austère métro crasseux. Tandis qu'à sa sortie de son très court passage en prison, notre homme pourra reprendre son rôle de tête d'affiche, paradant devant l'individu lambda en quête de réussite et d'argent, pour ainsi dire prêt à recommencer de zéro.