Il n'y a qu'un seul réalisateur capable de faire mieux que Martin Scorsese. C'est Martin Scorsese.

Le couple Scorsese/Di Caprio fait aujourd'hui partie du paysage cinématographique, tout comme le furent John Ford et John Wayne, Hitchcock et Cary Grant, Fellini et Mastroiani, et même Scorsese et De Niro.
On peut voir des similitudes entre Le Loup de Wall Street et Casino, d'ailleurs, tant du point de vue de la construction narrative que du rythme. Et le fait que ce sont tous deux les deux de grands Scorsese, mais ça c'est juste mon avis.

Bien sûr, tout ce qui fait la force des grands Scorsese est là : la direction d'acteurs, la cinématographie (hyper travaillée (il y a beaucoup plus d'effets spéciaux qu'on ne croit, regardez bien …) le montage et la bande son, tout ce qui fait que de nombreux metteurs en scène, Tarantino en tête, ont toujours porté Martin Scorsese sur un piédestal. Mais les comparaisons peuvent s'arrêter là.

Avec Le Loup de Wall Street, on n'est pas face à un nième volet de la peinture maffieuse commencée avec Les affranchis. On est face à une histoire qui tour à tour révolutionne les codes du biopic et dépeint les années Wall Street avec un plaisir obscène, avec violence, dépassant très largement le cadre de la vie de Jordan Belfort, et pourtant sans porter de jugement. Scorsese trouve la médiane idéale entre cynisme et respect pour son personnage, pour le milieu de la bourse (qui n'est finalement qu'un récipient pour un symptôme finalement beaucoup plus large, l'amour du fric) et pour l'Occident en général, en étayant son histoire de rappels humanistes : Belfort est égoïste, assoiffé de pouvoir et de luxure, mais il est bon. Ses proches l'aiment. Et justement il se comporte très exactement comme un loup : il protège et nourrit son premier cercle en dépeçant méthodiquement ceux qui se trouvent en dehors. C'est quand il comprend qu'il devient un danger pour sa propre meute (la dispute, la voiture, l'enfant) qu'il ouvre enfin les yeux sur sa propre cupidité.

Di Caprio incarne avec brio (est-il besoin de répéter toujours ceci finalement ? ) un homme parti de rien, aspiré par la vanité des vanités, déchiré entre ce qui est juste et le plaisir immédiat. "Tous les fleuves vont à la mer, pourtant la mer n'est pas remplie". Cette notion pourtant très spirituelle est omniprésente dans le film, et en cela il est possible que Scorsese lui-même soit en train d'opérer un retour sur sa propre vie, mais avec un regard plus apaisé, conscient du plaisir et des dangers qui l'ont jalonnée, conscient de ce qu'il a perdu et gagné, conscient comme Belfort à la toute fin du film qu'il arrive un temps où il faut passer à autre chose : grandir, transmettre, améliorer son karma, appelons ça comme nous voulons. D'une certaine manière, dans Le Loup de Wall Street, beaucoup plus que dans Casino, la spiritualité est partout, alors qu'en première lecture on ne la voit nulle part. Pour autant, cette période de sa vie (pardon, de celle ce Belfort) reste un souvenir infiniment jouissif et grisant, et rien ne le démontre mieux que cette furieuse envie qu'on a de se taper Margot Robbie à chaque plan où elle apparait.

C'est toute la dualité et l'intelligence du film : Il n'y a qu'un seul réalisateur capable de faire mieux que Martin Scorsese. C'est Martin Scorsese. Il reste le maître absolu de cette improbable alchimie entre grandiloquence et humilité, entre l'exacerbation de notre côté connard sans scrupule et notre quête d'authenticité. On ne va pas voir un film de Scorsese pour avaler des discours moralisateurs et pesants. On accompagne juste Belfort tout au long de sa carrière, y compris dans le repentir et le fait qu'il avance enfin, "defenses down", simple, pieds nus (vous aviez remarqué) vers les participants à son séminaire, qui sont comme lui : simples, de bonne volonté au fond, avec pour seule ambition juste l'envie de s'en sortir dans la vie.
MarcoSerri
7
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le 22 janv. 2014

Modifiée

le 22 janv. 2014

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