Au revoir les enfants
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le 2 mai 2024
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J'ai l'espoir que le cinéma français s'empare des nombreuses légendes qui jalonnent notre pays, je pense qu'il n'y a pas une région en France qui n'ait pas sa créature ou son mythe. La bête du Gévaudan bien sûr, mais aussi la vouivre figurant parmi les plus connues, mais on peut penser aux légendes celtiques en Bretagne. On ne compte plus les lieux dits, bosquets, sources et autres identités remarquables géographiques qui sont le terreau de légendes.
Le fait que le film imagine ou reprenne le concept d'une sorte de croquemitaine jurassien m'inspire d'hors et déjà des sentiments positifs vis à vis du film. Maintenant entre la promesse et son traitement, ce qu'en font le duo de réalisateur il peut y avoir un fossé et l'intention est une chose, le résultat en est un autre.
Je ne vais pas faire durer plus avant le suspens, j'ai été plus que séduit par l'ensemble de la proposition et j'avoue que je ne comprend pas les retours globalement négatifs qu'il a reçu. Plus exactement, je soupçonne les auteurs de ces avis négatifs de l'avoir fait parce que c'est un film français.
Mais regardons y de plus près, le film entame sur deux enquêtes qui vont se télescoper, la première vise à résoudre un double meurtre d'une rare brutalité, la seconde cherche à expliquer d'inquiétantes et multiples disparitions de mineurs. Dans une atmosphère qui ne sera pas sans rappeler celle présente dans Les Rivieres pourpres (2000) on suit donc les deux enquêteurs, le commandant Elizabeth Guardiano de la police nationale pour celle concernant les meurtres, le gendarme Franck de Rolan s'occupant des disparitions d'enfants, mais quand leurs investigations respectives vont entrer en collusion et que les deux enquêtes semblent lier, ils vont devoir agir de concert pour tenter de démêler cet imbroglio qui comme de bien entendu s'obscurcit et se complexifie au fur et à mesure que les éléments, indices, soupçons se font jour. L'aspect polar, absolument glaçant est parfaitement exécuté et comme spectateur nous nous prenons au jeu à tenter de résoudre une désormais affaire double grâce à des pistes disséminées tout du long.
C'est dans un deuxième mouvement que surgit la figure du "monstre", d'une évocation sortie de la bouche d'un enfant en état de choc post traumatique, il prend petit à petit corps dans la réalité des lieux, avec des citations dans des artefacts voulant lui donner un aspect tangible, bien que hors normes, les habitants du village qui se souviennent de ce conte transmis de générations en générations qui comme tous les contes servent surtout à interdire certains lieux ou comportements pouvant présenter un danger pour les enfants. Ici l'accès à la foret dont ce "mangeur d'âmes" serait le cerbère cruel et anthropophage, le film touche alors à une forme de fantastique avec l'apparition plus ou moins appuyée du dit monstre dans le cadre, sans qu'on sache vraiment s'il est le fruit d'hallucinations vécues par les personnages ou bel et bien un élément du réel. Cela est fait avec j'ai trouvé beaucoup de subtilité, le film évite l'écueil des "jump scare", évite aussi une exposition trop directe de la créature, beaucoup de suggestions un parti pris qui a ma préférence car elle stimule mon imaginaire et donc ma réception viscérale à la crainte sensée inspirée l'entité.
Mais en dépit d'une base déjà nébuleuse, le film va y rajouter une couche supplémentaire avec la question de la condition humaine. Les méfiances des gens du cru vis à vis de ces deux "étrangers", la peur de ne plus être maîtres chez eux, les rapports tendus avec la police municipale guère aguerrie à ce genre d'événements et la police nationale, parisienne qui plus est, conduisent à soupçonner des complicités plus que des incompétences, ci et là le film nous tend des pièges, la figure du prêtre par exemple apparait peu mais est caractérisée comme si on voulait de façon plus ou moins consciente nous faire créer le lien entre la disparition des enfants et les problèmes de pédophilie qui gangrènent l'église. Ce qui pour ma part, bien qu'anticlérical par convictions, j'aurais trouvé comme un aveu de faiblesse et une facilité scénaristique balourde, or le film ne tombe pas dans le piège et c'est vers d'autres coupables ou suspects qu'il s'orientera.
Mais à ces rapports entre le tendu et le conflictuel qui finissent par se normaliser vont se rajouter la persona des deux flics, par touches successives, les passés et les ambitions des deux vont émerger et nous interroger sur leurs réelles volontés, leurs desseins, leurs légitimités et même leurs possibles compromissions, complicité et part active aux crimes sur lesquels ils enquêtent. Là encore, grâce tant à un scénario précis qu'à une mise en scène chirurgicale, cet aspect de l'œuvre m'a parue parfaitement exécutée.
La résolution décide de s'affranchir de l'aspect surnaturel en replongeant dans une réalité finalement bien plus terrible et traumatisante dont il ne faut rien dire. Jouant la carte du double twists que pour ma part je n'ai absolument pas vu arriver, alors d'accord mon cas ne fait pas de moi une généralité, mais l'exercice n'en demeure pas moins réussi et plaisant comme spectateur. La sensation de s'être fait cueillir et mené par le bout du nez jusque là où voulaient nous emmener les réalisateurs m'a été agréable et conforté dans mon appréciation plus que positive.
Je vais achever cette critique en disant un mot des deux acteurs principaux, d'abord Paul HAMY que j'avais découvert dans un film imparfait mais pas inintéressant et où lui est très bon : Un Francais (2015) mais qui m'a surtout subjugué dans un film fabuleux : L'Ornithologue (2016). Là il est une fois de plus précis dans son jeu, crédible dans son interprétation et bouleversant dans ses fragilités mais aussi ses forces.
Enfin Virginie LEDOYEN, pour qui j'avoue un manque total de la plus petite objectivité, car je suis amoureux d'elle depuis .... toujours !
C'est bien simple si tu me lis Virginie, pour toi je suis disposé à revoir toutes mes positions sur le mariage, la paternité, la vie de couple, on pourra même adopter un gentil labrador pour notre maison avec jardin où gambaderaient les fruits de nos entrailles ! Elle habite son rôle de façon magistrale et elle comme les cinéastes ont eu l'intelligence et même la galanterie de ne pas nous dissimuler derrière grossiers maquillages ou effets numériques que toujours sublime elle n'a plus vingt ans.
Non vraiment je ne comprend pas les torrents de mauvaises critiques que reçoit ce film, alors n'hésitez pas à vous faire votre avis.
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Créée
le 3 nov. 2024
Critique lue 8 fois
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