[Petit coup de gueule à propos du choix de la musique d'accompagnement. Je n'ai rien contre les bandes originales modernes sur des films muets, mais quand on y va à fond dans la vivacité, avec une overdose de batterie, qui collerait très bien sur une scène de poursuite, sur l'arrivée d'un mystérieux et inquiétant voyageur, tout de noir vêtu, censée donc être un brin angoissante, je me permets de trouver que c'est complètement à côté de la plaque, en plus de phagocyter totalement l'ambiance qui était certainement voulue par le réalisateur. Et encore, c'est juste l'exemple qui m'a le plus marqué parmi tant d'autres. Je ne compterai pas bien évidemment ce défaut très gênant dans la notation, étant donné qu'Alfred Machin ne s'est jamais dit "si on gâchait... euh... tiens... ce cambriolage nocturne à coup de basse, de batterie et de contrebasse ! Trop génial !".]
En ce qui concerne le film lui-même. J'ai beaucoup aimé cet aspect documentaire de ce village de Provence, bien isolé, où seul le train représente la modernité. Et cette manière de filmer ces habitants, dans leur costume traditionnel, qui vivent toujours avec leurs superstitions. J'ai bien aimé aussi la composition remarquable de certains plans de nuit qui n'est pas sans rappeler le Nosferatu de Murnau. Et Machin sait filmer comme personne les ruelles et y faire bouger ses personnages.
Et sans trop vous en révéler, on aura une scène d'action assez intense et impeccablement réalisée pendant les dernières minutes.
Maintenant pour ce qui est des défauts, ouille...
Les décors expressionnistes de la mairie et du manoir n'avaient rien à faire ici dans une réalisation qui avait surtout choisi comme parti-pris de montrer des intérieurs réalistes. C'est comme coudre un morceau de tissu d'une certaine couleur, pour boucher un trou, sur un autre tissu d'une couleur bien différente. Cela fait tache.
Mais cela passerait encore sans trop de gravité, s'il n'y avait eu que ce défaut.
Par contre, ce qui passe assez mal, c'est le fait que l'histoire dévoile trop vite de quoi il retourne réellement, en balançant tout de suite qu'on est face à un chimpanzé dressé, pour commettre des cambriolages, par l'assistant de laboratoire, en nous faisant comprendre quasi-immédiatement que le mystérieux homme en noir est gentil comme tout (je ne spoile rien, je le précise ; tout cela est révélé dès le début !). Cela fout en l'air non seulement un potentiel suspense, sur les situations et les personnages, mais aussi une potentielle atmosphère effrayante qui aurait pu apparaître d'un fantastique intéressant. Le film aurait eu tout à y gagner s'il avait gardé cela au moins jusqu'au dernier tiers.
En résumé, Le Manoir de la peur est une curiosité, totalement oubliée (merci la Cinémathèque française pour la découverte !), qui, par ses quelques belles qualités, mérite qu'on s'y arrête, mais qui aurait pu être bien meilleure sans quelques erreurs grossières.