John Ford a réalisé entre 1948 et 1950 trois westerns à la gloire de la cavalerie américaine dont le fil rouge est le personnage de Kirby York (John Wayne) qui est capitaine au début du "massacre de Fort Apache" et sera colonel dans les deux autres opus.
Sur un plan général, Ford commence dans le "massacre de Fort-Apache" à infléchir son discours en reconnaissant aux indiens un statut de combattants valeureux avec qui on peut traiter mais qui sont régulièrement floués par "la langue fourchue des blancs" sinon par des profiteurs qui utilisent leur position officielle d'agent du gouvernement pour corrompre les indiens avec de l'alcool notamment.
Mais le "massacre de Fort-Apache" raconte la vie d'une garnison qui vit en autarcie au fin fond de l'Arizona, à proximité de "Monument Valley" qu'on voit constamment sous un soleil ardent ou sous les nuages.
L'arrivée d'un nouveau commandant du régiment, le colonel Thursday (Henry Fonda à contre-emploi mais il aime ça) et sa fille Philadelphy (Shirley Temple) bouleverse les us et coutumes, plutôt bon enfant, qui s'étaient paisiblement installées dans la garnison. Le colonel Thursday se révèle vite un insupportable officier, mécontent de son affectation qu'il considère comme une punition. Quand le colonel dira "Nous ne sommes pas des cow-boys", on sent ses subordonnés se cabrer intérieurement. Plein de morgue, il marque les distances avec les officiers subalternes et bien entendu le reste de la troupe. Il ne comprend pas qu'un homme sorti du rang, fils d'un sergent-chef, puisse avoir été admis à West Point et être devenu un officier. Là, John Ford met clairement sa patte en décrivant la vieille conception de l'armée , résultant des armées anciennes anglaises et coloniales , où les officiers ne pouvaient qu'être issus de l'aristocratie. Désormais, la Cavalerie doit oublier ces comportements individualistes où l'officier n'en fait qu'à sa tête pour sa propre ambition ou vanité. Ainsi, il oppose le pragmatisme d'un Capitaine (futur Colonel) York à l'individualisme ou le carriérisme d'un Colonel Thursday. On ne nait plus officier, on le devient.
Et la preuve, s'il en fallait une, c'est la transposition de la défaite de Little Big Horn par les Sioux en la bataille dans l'Arizona avec les Apaches et leur chef Cochise qui consacre l'échec du colonel Thursday qui n'a pas voulu écouter les conseils avisés de ses subordonnés.
Mais ce western met en scène bien d'autres choses par exemple les femmes des militaires qui sont une véritable oasis de douceur et de tendresse avec Mme O'Rourke, Mme Collingwood et Philadelphie, appelée à devenir aussi femme de militaire. Ah la splendide scène de ces trois femmes le matin du départ du régiment pour la bataille dont on sent l'inquiétude muette.
Et puis, ce western développe un humour un peu rugueux avec ces grandes gueules irlandaises et possiblement célibataires dont l'emblématique Victor McLagen, tous amateurs de boissons fortes à très fortes, qui finissent dégradés à dessouler au trou pour retrouver leur grade dès lors que ça barde. Humour dans les séances d'entrainement des jeunes recrues qui apprennent à monter à cheval à cru.
Et je finirai par la mise en scène pleine de trouvailles plaisantes comme Shirley Temple qui observe avec le miroir de son "vanity case" le jeune officier qui lui a tapé dans l'oeil, ou bien la scène où Shirley Temple est en contre-plongée par rapport au même officier.
Et je ne parle pas de la scène initiale de la diligence qui circule à proximité de Monument Valley, des splendides photos panoramiques du Grand Canyon, et puis, et puis, je ne vais quand même pas raconter tout le film !!!
Pour finir, c'est un excellent western qu'il faut voir en VO car la VF escamote environ un quart d'heure de scènes - non essentielles, certes - mais très agréables comme la sérénade au clair de lune ou l'aménagement du futur logis de Shirley Temple