Le massacre de Fort Apache est le premier film d’une trilogie de John Ford sur la cavalerie américaine, avec à chaque fois John Wayne en tête d’affiche. Elle se poursuivra avec La charge héroïque (1949) et Rio Grande (1950). C’est la deuxième production de ‘Argosy Pictures’, la société de John Ford, avec pour but de compenser le flop de Dieu est mort (1947).


Le film met en scène Henry Fonda dans le rôle du Lieutenant-Colonel Owen Thursday, ex-général, qui espère retrouver ses galons dans l’Ouest. Il prend le commandement de Fort Apache ou il rencontre Kirby York (John Wayne), Sam Collingwood (George O’Brien) et la famille O’Rourke. Une histoire d’amour se crée entre le fils, Lieutenant Mickael O’Rourke, et la fille de Thursday, Philadelphia.


L’intrigue principale se concentre sur la campagne contre les Apaches, et des différents entre le colonel Thursday et le capitaine York. Le premier, ambitieux, strict, est très à cheval sur l’étiquette et les règlements. Il est aussi partisan du système de classe, n’écoute pas les conseils de ses subordonnés, pourtant plus informés sur les techniques Apache (qu’il considère comme des sauvages sans âme) et ne voit pas d’un très bon œil l’idylle entre sa fille et un lieutenant sorti du rang. Il n’est donc pas très aimé de ses hommes. York, à l’inverse, est plus proche de ses hommes et des indiens, à qui il témoigne beaucoup de respect (partagé). Vétéran des guerres indiennes, il connait les tactiques des Apaches et à un bon sens de la stratégie de terrain, mais il n’est pas écouté. Pourtant, en bon militaire, il ne discute pas les ordres et place le prestige de l’armée au-dessus de tout, même de la vérité.


Ford en créant un tel fossé entre les personnages, presque aux antipodes l’un de l’autre, critique bien-sûr les officiers ambitieux et arrogants, qu’il qualifie de ‘formation de West Point’. Pourtant ce n’est pas aussi simple que cela. En effet, le colonel a aussi des qualités : c’est un père aimant et attentionné, courageux, et qui veut glorifier l’armée pas seulement pour son prestige personnel. Aussi, la scène lors de laquelle il s’excuse auprès de ses hommes pour toutes ses erreurs, est bouleversante, même si on fond, c’est un salaud pas loin de l’idiotie à certains moments. Et à l’inverse, York, qui prend la relève du commandement, finira par imiter ses habitudes (son chapeau, la discipline).


Mais si l’intrigue principale est la campagne et la relation entre les deux personnages principaux, le film, lui, tourne autour de la vie du régiment, jusqu’à devenir plus important que le fil directeur. Le Fort devient une sorte de loupe sur un mélange entre société dans son ensemble et famille serrée. Entre la lutte des classes, les rapports hiérarchiques et conjugaux, Ford laisse toutefois beaucoup de temps pour des scènes de la vie quotidienne, des corvées de fumier au bal des officiers en passant par les repas de famille et l’angoisse des femmes qui voient leurs maris partir au combat.


Les femmes ont une place très importante : dans ce monde fait de guerriers, elles représentent la civilisation et la vertu humaine. De Mrs. O’Rourke à Mrs. Collingwood, mais aussi la grand-mère O’Rourke que l’on ne voit que très brièvement au début, et Philadelphia Thursday, toutes sont touchantes dans leur manière de se préoccuper si peu de la guerre mais plus de la vie : des bals, du bien-être des soldats. Se souciant des besoins de la communauté, elles sont les éléments les plus importants du fort (sans misogynie de la part de JF). Pourtant leur bonne humeur et leur entrain ne les empêchent pas d’être émouvantes lors du départ de leurs maris.


Les hommes ne sont pas laissés en reste, et cultivent les valeurs de l’amitié et de la joie de vivre, particulièrement parmi la famille O’Rourke. Leur unité est leur force, et les différents dans le rang sont peu nombreux. Les sudistes sont acceptés par les nordistes, et sont même considérés comme les meilleurs cavaliers. On a le droit à de nombreuses scènes drôles (l’ouverture des fûts de Whisky) et touchantes (la remontée des rangs par John Wayne avant la charge finale).
Quoique puisse en penser le colonel Thursday et malgré tous les clichés portés par le western, John Ford et Wayne, dans ce film les indiens ne sont ni des brutes ni des sauvages. Modèles de droiture et d’honneur, excellents combattants, soucieux de leurs femmes, enfants et vieillards, ils se préoccupent de l’avenir de leur peuple, à l’image de leur chef, Cochise. S’ils se dressent contre le régiment, c’est parce qu’ils ont été trahis. Leur réserve, qui devait être un havre de paix, est souillée par la présence d’un émissaire du gouvernement, qui distribue de l’alcool aux indiens, leur enlevant leur honneur.


La mise en scène est brillante. Ford fait des clins d’œil à ses propres films : les premiers plans sont des reprises de ceux de La chevauchée fantastique. La scène du bal, est magnifique. Les talents de conteur de John Ford et le rythme du montage ne sont plus à démontrer. On retrouve les fameux plans de Ford, dans lesquels une rangée de cavaliers se découpe sur la crête d’une mesa de Monument Valley.


Les acteurs sont eux aussi brillants, même si moyennement convaincant dans ce rôle de salaud (il ne jouera principalement que de héros) Henry Fonda joue très bien. Shirleys Temple, est parfaite dans le rôle de sa fille, espiègle et amoureuse du lieutenant O’Rourke, qui reprend le flambeau d’O’Brien comme héros séducteur. O’Brien est lui aussi magnifique, même si peu présent, en vétéran. Mais la tête d’affiche de John Wayne est méritée. Gare à ceux qui ne l’aiment pas et qui trouvent qu’il sur-joue, car ils pourraient être déçus. Discret et juste, il porte le film sans jamais éclipser Henry Fonda.


Reprise du massacre du capitaine Custer par Sitting Bull, le film attache finalement plus d’importance aux personnages et à leur vie quotidienne qu’à la campagne. Ode à l’armée, à ses défauts et valeurs, l’œuvre fait un premier pas vers la démystification du héros, continué dans L’homme qui tua Liberty Valance.


Je ne sais pas si quelqu’un arrivera au bout…

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le 29 août 2015

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Fiddlebolt

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