Deuxième film de la trilogie de "Mick Travis" de Lindsay Anderson, après "If...." et avant "Britannia Hospital", "Le meilleur des mondes possibles" ("O Lucky Man!" en VO) est peu à peu tombé dans un oubli presque total au fil des années. De Lindsay Anderson - l'un des cinéastes les plus importants du Free cinema UK de ce que j'en sais - je n'avais vu que "If....", film sorti dans le contexte des événements de 1968, ce qui en fait sa principale force. Néanmoins cette première incursion dans le cinéma d'Anderson ne m'avait pas emballé. La présence dans ce deuxième film de Malcolm McDowell (qui joue dans Mick Travis dans les trois films, qui n'ont pourtant aucun véritable lien à part le nom de leur protagoniste et son interprète) a été la principale raison de ma motivation pour le voir, d'autant plus que le film semblait assez long - trois bonnes heures.
La comparaison avec le Candide de Voltaire est évidente (rien que le titre français vous me direz...), et saute aux yeux dès le second acte terminé. On suit un jeune premier qui va, au gré de ses aventures et de ses rencontres, traverser tous les domaines et les couches de la société anglaise de l'époque. On passe d'un laboratoire aux expériences dignes du docteur Moreau, jusqu'au cabinet d'un puissant industriel londonien. Par ces multiples péripéties, Lindsay Anderson décortique son époque, proposant un film engagé qui en met plein la gueule à un peu tout et n'importe quoi : de la science à la politique, en passant par la corruption, la justice, la pauvreté, l'exploitation du Tiers Monde, la guerre, la société de consommation et la hiérarchie sociale. Notre Candide moderne va devoir affronter la réalité d'un monde qu'il regardait auparavant d'un air souriant et niai.
Pas que "Le meilleur des mondes possibles" soit très subtil, le film est même relativement lourd dans sa démarche (faut pas s'appeler Einstein pour comprendre les sous-textes du film), mais la forme du film, classe à l'anglaise, le charisme de McDowell et l'aspect détendu du produit rendent le tout très facile à regarder, les trois heures passent très vite et tout s'enchaîne très bien jusqu'au fantastique final, où on hésite entre pleurer et « Smile ! ». Un très bon film, largement supérieur à "If...." et qui prouve à quel point McDowell n'a décidément pas assez tourné de film quand il était jeune (parce que je prends pas en compte les moments où il grogne dans "Community").
Si il est aujourd'hui quasiment impossible de se procurer le film par des moyens légaux (tout ce qui a été édité, c'est un DVD au Royaume-Uni disponible à 40€ d'occasion), un feu site d' "introuvables" l'avait rendu disponible avant sa fermeture au début de l'année 2012, "Le meilleur des mondes possibles" est ainsi simple à retrouver sur notre merveilleuse toile, qui visiblement s'acharne à faire subsister des films que tout le monde aurait probablement oublié si elle n'était pas aussi nécrophile. Merci Internet.