Au début du XXe siècle, un garçon d'origine modeste est invité par un camarade de classe à passer ses vacances d'été dans sa famille issue de la bourgeoisie britannique. Il va se lier d'amitié avec les autres membres, et en particulier avec sa grande soeur, dont il apprend qu'elle a une relation adultérine avec le fermier de la maison d'à côté. Il va leur servir d'intermédiaire pour donner les messages.
Il aura fallu attendre très longtemps pour qu'on puisse enfin revoir Le messager, qui fut pourtant Palme d'Or en son temps, mais en tout cas, c'est une des grandes réussites de Joseph Losey. Il reprend un des thèmes chers de sa filmographie qui est l'arrivée d'un étranger dans quelque chose d'uni, en l'occurrence une famille, et qui va en provoquer l'implosion malgré lui. Ce qui est étonnant aussi, et au fond avant-gardiste, est le choix de la narration ; on ne le comprend pas tout de suite, mais l'histoire se passe soixante ans plus tard, et tout y est raconté au passé, dans cette histoire au fond dramatique. Pas seulement pour la famille, mais pour ce garçon, Leo, dont la vie personnelle et sexuelle sera bouleversée, entraînant de graves conséquences. Tout comme Le jardin des Finzi Contini, tourné deux ans plus tard, Le messager raconte un monde protégé, loin des turbulences extérieures comme si eux et eux seuls comptaient, où ils sont en quelque chose des bourgeois dans une cage dorée. C'est non seulement très beau, grâce à la photo de Gerry Fisher, mais aussi admirablement joué, en particulier Julie Christie, dont le personnage a 18 ans dans le film, mais l'actrice en avait 30 au moment du tournage, et ça ne se voit pas dans le physique grâce notamment à la façon dont elle est filmée, mais aussi dans son jeu presque juvénile. Mention spéciale aussi à Alan Bates, le fermier mais aussi à celui qui joue le jeune garçon messager, Dominic Guard, et à son équivalent adulte, Michael Redgrave. Quant à la superbe musique, signée Michel Legrand, elle rappellera des souvenirs pour ceux qui regardent la télévision.
Succès surprise en son temps, lâché par son premier studio -la MGM-, qui refila le film comme une patate chaude à Columbia à cause du montage alterné, Le messager sera une des grandes réussites de Joseph Losey. Ce qui n'en est que mérité.