Un moine qui ne vous veut pas que du bien...
Adapté du roman homonyme de Matthew G. Lewis (1796) qui fit scandale en son temps, Le Moine relate l'histoire de Frère Ambrosio (Vincent Cassel, droit comme un i), moine capucins dans l'Espagne du XVIIème siècle. Ce moine, trouvé enfant aux portes du couvent, orateur hors pairs qui a un don pour culpabiliser les pêcheurs, finit par tomber dans les pièges tendus par le Malin. Si le roman choqua ses contemporains, à tel point qu'il fut censuré puis circula sous les manteaux, les thèmes qu'il aborde sont beaucoup moins controversés aujourd'hui. La décadence morale d'un moine rigide et moralisateur, à l'heure où les accusations de pédophilie envers les prêtres deviennent monnaie courante, n'a plus vraiment de quoi choquer. Que reste-t-il alors d'intéressant à se mettre sous la dent une fois qu'on a enlevé l'aspect scandaleux et sulfureux ?
Pour commencer on retrouve dans le film l'univers gothico-surnaturel servi par une mise en scène sombre et léchée et un montage qui rend hommage au muet expressionniste en se servant beaucoup des fermetures et ouvertures à l'iris, ce qui donne un charme désuet à l'image. Le fantastique apparaît peu à peu, pour ensuite nous plonger brutalement dans un surnaturel peut-être pas suffisamment assumé. D'autre part la noirceur des sentiments résiste bien à l'épreuve du temps et Dominik Moll a bien su mettre l'accent sur ce que l'histoire avait d'universel.
Si le duel entre Bien et Mal n'est plus aussi binaire qu'au XVIIème (quoique...), le conflit qui ronge le protagoniste entre ses pulsions et sa conscience n'a bien entendu pas d'âge. Une rage (auto)destructrice anime Père Ambrosio, dès le début du film, et Vincent Cassel sait parfaitement rendre sensible ce bouillonnement intérieur. On regrette surtout la fin en queue de poisson, qui n'est pas à la hauteur du film par ailleurs fascinant.