Car inadaptable, tout simplement !
Le Moine de M.G. Lewis est un archétype du roman gothique, écrit en 1796 par un jeune gentilhomme anglais. Il reprend tous les codes du genre : large part donnée au fantastique et à l'occulte, histoires imbriquées et digressions en pagaille, côté "romantique" pour narrer l'inéluctable et lente déchéance d'un homme jusqu'alors pur et parfait dans sa foi comme dans ses intentions.
Le Moine de Dominique Moll ne reprend aucun de ces éléments clés, ne recrée par l'ambiance d'apocalypse individuelle qui entoure l'effondrement d'Ambrosio, et se contente de décrire la chute finalement assez banale d'un moine assez banal qui est tenté de manière assez banale par les plaisirs assez banals (quoi que je n'aie pas vu grand monde fermer les yeux durant les quelques secondes "hot" du film) de la chair (de la jeune Déborah François).
Ceci dit, Le Moine ne me semble pas un mauvais film. La photo n'est pas dégueulasse (même si les éclairages artificiels rendent les scènes nocturnes terriblement factices), les acteurs ne sont pas mauvais (Cassel sans brio, mais sans fausse note non plus, j'ai presque été touché par la diction un peu hésitante et le visage candide jamais tout à fait au repos de la jeune Joséphine Japy...), le texte un peu théâtralisé ne dénote pas...
Il a cependant quelques mauvais côtés intrinsèques (à mon gout) : des effets spéciaux incroyablement années 80 (la scène de luxure solarisée est pour le moins inattendue), un manichéisme symbolique appuyé passablement lourdingue et à la limite de l'épileptogène (les alternances de plans ultra-sombres et de paysages hyper-ensoleillés -les superlatifs sont essentiels- qui ne peuvent qu'essayer de symboliser la lutte du bien et du mal qui déchire Ambrosio, mais nous explose surtout la rétine ; les figures iconiques opposées aux plans fixes de gargouilles ; les différents types de fleurs -à épines, roses et odorantes, blanche mais maléfique-...), et un diable joué par Sergi Lopez qui entre donc dans la compétition très disputée des plus ridicules incarnations cinématographiques du Malin.
Certains parmi ceux qui n'ont pas lu le livre ont aimé, et cela me semble normal, d'autres non. La plus grosse erreur de Dominique Moll pourrait finalement avoir été de revendiquer l'adaptation d'un livre inadaptable au lieu de proposer un film proche de celui qu'il a fait et "librement inspiré", qui aurait sans doute été plus appréciée.