La Saint-Barthélemy du Mitan

Tout le monde connait le film de George Lautner "le pacha" ne serait-ce qu'à cause de l'entêtant et répétitif "Requiem pour un con" composé et chanté par Serge Gainsbourg qui traine sa flemme dans un studio d'enregistrement et qui a, quand même, réussi à placer la chanson (quel adjectif donner à cet objet musical ?) "Je n'ai besoin de personne en Harley Davidson". D'ailleurs, le sinistre André Pousse éprouve même le besoin de retrouver la chanson sur son autoradio lorsque la chanson est (malencontreusement) interrompue (pour cause d'humidité persistante). Et pourtant, c'est pas un sentimental, l'André ! C'est pas une preuve, ça, qu'elle est bien cette chanson ?

Je sens que je vais me distinguer de mes honorables correspondants de SC … Oui, parce que je l'aime bien, moi, ce film. Je le connais tellement bien que j'en attends les répliques (ciselées par Audiard). Oui, bien sûr, le rythme obsédant a le don d'agacer mon épouse. Alors que personnellement, je trouve qu'il fait tellement partie du film qu'il manquerait si on remplaçait cette musique par autre chose. Par quoi, d'ailleurs ?

D'abord ce film a une originalité c'est d'organiser une bonne purge dans le milieu. Je n'en connais pas beaucoup des "Saint-Barthélemy" du milieu au cinéma. Même Eastwood n'a jamais eu l'idée. Lautner avait bien déjà imaginé un truc du même ordre mais avec les agents secrets dans "les barbouzes" où les espions chinois tombent, tombent, tombent et selon les avis compétents, ce fut une hécatombe.

Là, on savoure cette grande opération de nettoyage qui, en plus, a lieu un lundi, jour de la lessive (dixit Gabin). De quoi mettre au chômedu la moitié des flics … C'est quand même quelque chose !

Ce que j'aime bien dans ce film, c'est surtout les numéros d'acteurs aidés par de superbes dialogues d'Audiard.

C'est cette fidélité (presque de la tendresse) de Joss (Gabin) à son vieux pote Gouvion (Dalban) dont il découvre peu à peu sa deuxième vie.

"Et pourtant, c'était un drôle de colis, le Albert, crois-moi "

"Parce qu'il a toujours eu des problèmes, ce cave, t'entends"

"Mais qu'est-ce que tu veux, c'était mon pote!"

Ce que j'aime aussi dans ce film c'est Dany Carel et sa fraîcheur. Son personnage fait irrésistiblement penser à une jolie fleur poussée sur le fumier (de la vie) et qui a su rester propre.

"Chez nous, si on rapportait rien à la maison, on regardait becqueter les autres"

"A dix-huit ans, dans la famille Villars, on entrait en maison de redressement"

Et puis, j'aime bien le personnage de Quinquin, salaud d'entre les salauds, la quintessence du truand solitaire, avide et sans pitié. Une des scènes remarquables c'est, après avoir flingué le couple de petits vieux qui écoutait le résultat du tiercé à la télévision, de le voir vérifier les tickets et les déchirer avec mépris car ils sont perdants … Mais, aussi, quel plaisir quand, à son tour, il tombe…

Et puis il y a tous les seconds rôles et il y en a une floppée de très bons : Louis Seigner en patron de la PJ (compréhensif tendance complaisant …), Maurice Garrel en fourgue, De Pasquale, André Weber, etc …

Le scénario est tiré du roman "Pouce" de la Série Noire (que je ne connais pas) écrit par Jean Delion. Jean Delion est aussi connu sous le nom de Raf Valet (Mort d'un pourri, Adieu poulet, Sa majesté le flic). Mais ces deux noms ne sont que les pseudos de Jean Laborde …

Je crois savoir que Georges Lautner eut quelques démêlés avec la censure au moment de la sortie du film tant à cause de la violence que de l'image donnée par la police et de la vulgarité de la chanson de Gainsbourg.

Bon, le film est sorti le 14 mars 1968. Juste un peu en avance sur son temps, quoi…

Et je ne résiste pas pour finir par les dernières paroles de Gabin dans le film.

"Albert les Galoches, la terreur des Ardennes, le bonheur des dames, mon pote !… L’empereur des cons… "

Révision 0 : 11/05/2022

Révision 1 : 15/08/2023 (rétablissement format des citations)