Robert Dhéry réussit la prouesse avec ce classique de la comédie française de retrouver le ton délirant de la troupe des Branquignols en intégrant le personnage que s’est construit Louis de Funès depuis cinq ans qu’il a acquis la célébrité. Le mariage montre que les deux compères ont conservé leur belle complicité en dépit d’univers désormais très éloignés l’un de l’autre. Avec sa lignée de Castagnier rouquins qui font passer un sacré dimanche à un de Funès passé expert dans les rôles de patrons fielleux, le film enchaîne les péripéties et les gags à un rythme endiablé qui n’est jamais fatiguant comme peuvent l’être d’autres comédies de l’acteur à cette même période. On peut ainsi louer l’imagination de Robert Dhéry qui enchaîne les rocambolesques mésaventures d’un de Funès hilarant même si la fin a tendance à en faire des caisses.
Pour apprécier ce Petit Baigneur, il ne faut, de toute façon, pas rechigner au cabotinage car les acteurs s’y donnent ici tous à cœur joie dans cette ambiance sixties très colorée qui est aussi une ode à la France. En mêlant Bretagne, région PACA et, notamment, le Hérault, Robert Dhéry dresse le portrait d’un territoire magnifique avec ses scènes de bord de mer, son phare, des villages typiques et ses péniches. À bord de sa Jaguar Type E, Louis de Funès incarne cette France riche qui va à la rencontre d’une France ouvrière qui profite de ses dimanches ensoleillés. Le film est donc aussi un formidable témoignage de son époque où le réalisateur y va à fond à grands coups de canif pour dézinguer ses travers : riches/ouvriers, ville/campagne, religion, etc. L’univers de Robert Dhéry, qui s’incarne parfaitement dans ce monde tout en couleurs, donne lieu à des séquences hilarantes allant de l’incroyable messe de Jacques Legras à la descente de tracteur de Louis de Funès en passant par la séance en kayak.
C’est simple mais terriblement percutant et efficace. Les acteurs, même s’ils en font parfois un peu trop, font le reste et ont permis à cette comédie rondement menée de s’inscrire dans le patrimoine du cinéma français. Du cinéma populaire et drôle qui avait quelque chose à raconter et qui le faisait avec habileté et beaucoup de talent. Beaucoup de choses qui ont aujourd’hui hélas disparu.