Alors, il faut tout dire. J'ai lu récemment la critique d'un de mes éclaireurs à propos d'un des "Don Camillo" et je me suis dit "Tiens, pourquoi pas les deux "Duvivier". Ben, voilà, les deux "Duvivier" étaient paradoxalement beaucoup plus chers que le coffret des cinq "Don Camillo". Voilà, voilà. Je vais maintenant avoir à me farcir cinq critiques au lieu de deux ... En y allant doucement, toutefois.
Je commence donc par le premier réalisé par Duvivier qui a été monté en 1952. Comme tout le monde sait, le film raconte les mésaventures ou les aventures d'un curé du village de Brescello situé "entre fleuve et montagne, dans le nord de l'Italie". Au sortir de la deuxième guerre mondiale, ce curé voit subitement son aura ou son influence ou son pouvoir ou les trois en même temps diminués par la présence d'une nouvelle municipalité communiste.
Même si la lutte, faite d'escarmouches, est réelle entre le curé Don Camillo et le maire Pepone, il n'empêche sur le fond, qu'il y a, entre les deux énergumènes, un grand respect mutuel car les deux ont combattu ensemble dans les rangs de la Résistance quelques années plus tôt. Et c'est une atmosphère bon enfant qui règne sur le village à l'image du petit village d'Asterix ou de Clochemerle.
Tiens, d'ailleurs ce serait marrant que chaque épisode se termine par un grand banquet.
Ce premier film comprend des personnages secondaires hauts en couleur comme la vieille institutrice qui se souvient parfaitement de tous ces garnements qui ont usé leurs fonds de culotte sur les bancs de l'école et usé la patience de l'institutrice. L'actrice qui joue le rôle, c'est l'inénarrable Sylvie, qui refera un numéro du même genre quelques années plus tard avec "Crésus" de Giono.
D'ailleurs quand tous ces anciens cancres nouvellement installés à la mairie viennent la voir pour faire un peu de rattrapage, elle tient enfin sa revanche. Revanche, oui mais on la sent si heureuse de reprendre la craie ... Mais là encore, tous autant qu'ils sont, sont pleins de respect mutuel. Et force lui est de reconnaitre que ce n'était pas entièrement de leur faute s'ils n'étaient pas aussi assidus qu'il aurait fallu.
L'histoire d'amour façon Roméo et Juliette des deux jeunes, l'un fils de paysans pauvres travaillant sur une terre pauvre et l'autre fille de paysans riches travaillant sur une terre riche, est mignonne sans casser trois pattes à un canard. Le truc qui m'interpelle toujours, c'est l'arbre qui a poussé au milieu du mur (qui sépare les deux propriétés) ou le mur qui s'est arrêté au niveau de l'arbre ...
La mise en scène de Duvivier est pas mal avec les prises de vue en plongée ou contre-plongée des deux parties, les interventions de l'évêque qui ménage la chèvre et le chou.
Je ne sais pas si un tel film pourrait être réalisé aujourd'hui avec Jésus parlant au curé, avec le curé faisant le coup de poing avec le maire : est-ce que l'intolérance montante que je constate de plus en plus ne viendrait pas à s'interposer : faire parler Jésus de façon aussi familière, n'est-ce pas carrément sacrilège ? Faire dire et écrire que le maire communiste "est un âne", n'est-ce pas de l'anticommunisme primaire ? Je vois d'ici les ligues de vertu catholique (celles qui interdisent certains concerts) ou les gauchistes tenants de la victoire du peuple monter en première ligne pour s'opposer à une hypothétique "infamie" de ce film.
Il est bien clair que le sujet du film a un peu vieilli mais revoir Fernandel dont le rôle lui colle un peu à la peau et Gino Cervi s'affronter est toujours plaisant.
Pour ce premier opus, on va commencer très haut par un 8...