Le spectateur lambda, qui porterait peu d'attention aux sorties de films d'animation pourrait très bien s'imaginer que l'hégémonie indiscutable de Disney/Pixar sur le domaine est totale. Les studios Ghibli, qui étaient longtemps les concurrents les plus sérieux, n'ont rien sorti d'exceptionnel depuis le retrait de Hayao MIYAZAKI et les petites productions de studios indépendants, ont malgré d'immenses talents et d'immenses films bien du mal à trouver le chemin jusqu'aux salles obscures et sont cantonnées, hélas bien souvent aux sorties directes en vidéo ou sur plateforme.


C'est encore là un exemple assez triste qui montre à quel point une écrasante majorité des spectateurs refuse de sortir de sa zone de confort et de donner sa chance à autre chose que que le gros blockbuster de studio, le confortable film Pixar qui si il peut être absolument parfait, peut aussi être un vrai ratage et ce à l'intérieur même d'une saga. Oui j'ai malheureusement vu Buzz l éclair (2022). Combiens de films sacrifiés, quels que soient leurs genres à cause de la frilosité du public à aller voir autre chose ? Je trouve ça triste.


Venons en à cet animé à proprement parler, explorant les légendes irlandaises et apparemment il apparait que les auteurs ont déjà par le passé exploités ces thèmes dans d'autres films d'animation, il nous est conté l'histoire de deux jeunes filles, dont l'une a la particularité de se muer en louve la nuit.


De ce postulat de conte pour enfant, le film, tout comme le conte de notre enfance va développer des thèmes et des points de vues sur la société dans son ensemble. On y parle d'émancipation, de passage à l'âge adulte, de la place des femmes, mais aussi des tensions entre Angleterre et Irlande, donnant ainsi plusieurs niveaux de lectures qui raviront les adultes, tout en restant suffisamment centré sur sa base de conte pour enchanter les plus jeunes des spectateurs.


L'animation est un régal, mêlant les techniques et les textures avec autant de poésie que de technique, conférant au tout une esthétique qui m'évoquait tantôt Roald Dahl dans les couleurs et l'ambiance, tantôt certaines cases de comics ou de manga dans leur façon d'évoquer le mouvement. Le jeu sur les cadrages est aussi passionnant, avec l'utilisation du "split screen" qui vient mettre l'accent sur des détails dans un grand tout.


Le jeu sur les perspectives est également passionnant, ainsi la représentation verticale de la ville, qui évoque les tableaux du moyen-âge avant l'invention de cette fameuse perspective n'est elle pas juste une coquetterie d'illustration mais bien la volonté de nous montrer l'enfermement, tant physique que psychologique de l'époque, laquelle ? C'est là tout le talent du film qui à travers un conte traditionnel se déroulant en des temps reculés, vient nous questionner sur nous et notre société. Car sommes nous vraiment sortis des peurs ancestrales, sommes nous vraiment émancipés et la place de la femme est elle enviable et idéale ? Ne devrions nous pas nous aussi nous tourner vers la nature, cette forêt source de vie qui elle pour le coup est représentée avec une perspective naturelle comme nous inciter à nous y fier pour mieux nous libérer. Si j'étais politique je dirais que ce film est le film de fiction écolo le plus intelligent qui soit.


Bref, j'ai passé un très bon moment, voici un film que j'ai hâte de montrer à mes nièces et ma filleule, je sais qu'elles passeront un bon moment et qu'en tant qu'adulte j'y trouverai aussi mon compte. J'adore les contes, ils me rappellent mon enfance, quand le soir nous attendions mes soeurs et moi le traditionnel conte d'avant aller dormir, contes issus des écrits classiques (Perrault, Grimm et consorts) mais aussi de l'imagination fertile de notre papa qui avait ce don incroyable de chaque jour nous inventer une histoire différente, et j'ai retrouve cette atmosphère si particulière du conte, à la fois très enfantin, qui va agiter notre imaginaire et très adulte, avec ses différents niveaux de lectures, quelque chose qui je dois l'avouer me manque chez Disney/Pixar.

Spectateur-Lambda
7

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Créée

le 6 août 2022

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